N’ayant pu bénéficier d’une mobilisation des instances universitaires ou des laboratoires de recherche, la toponomastique – l’étude de la toponymie ou noms de lieux – est restée en Bretagne (comme au Pays de Galles et ailleurs) plutôt un domaine d’amateurs et n’a donc pas connu un développement suffisant en tant que discipline scientifique. Ce qui en résulte est que la multitude d’enseignements et les bénéfices qu’on pourrait tirer de travaux toponymiques sérieux sont restés, pas seulement ignorés, mais insoupçonnés de nos instances universitaires et par delà du grand public.
L’approche du HLBI à la toponymie bretonne se distingue de la majorité des œuvres publiés sur le sujet (hormis ceux de Mikael Madeg) par son insistance sur l’importance de connaître et de recueillir les prononciations des toponymes. Cette approche n’est pas le nouveau venu que pourrait suggérer un relevé des œuvres publiés sur le sujet depuis 1945, mais se réclame d’une tradition savante somme toute vénérable remontant aux dernières décennies du XIXe siècle.
Joseph Loth (1847-1934)
L’étude sérieuse de la toponymie bretonne comme celle de la phonétique dialectologique et historique de la langue bretonne prit son premier élan avec Joseph Loth, humble Guéménois d’origine et professeur se spécialisant en celtique depuis 1894 à la Faculté des Lettres de Rennes puis après 1910 au Collège de France à Paris. Nous ne nous attarderons pas sur ses œuvres pionniers monumentaux concernant le vieux-breton et l’arrivée des Bretons en Armorique (1883, 1884, 1890, 1892), ni les nombreuses articles étymologiques qui fit de lui le plus savant des celtisants de son époque. Il était un des fondateurs des Annales de Bretagne en 1897 et directeur de la Revue celtique de 1910 à sa mort.
À ses débuts, l’intérêt de Loth pour les dialectes bretons semble avoir été surtout de nature philologique avec pour but d’éclairer les débuts de l’histoire de la langue et de les conditions du peuplement de l’Armorique par les Bretons d’outre Manche. Mais puisqu’il avait grandi avec un parler breton bas-vannetais, à cheval entre les dialectes littéraires du vannetais et du KLT différent, il était bien placé pour apprécier l’importance des prononciations bretonnes locales pour confirmer ou infirmer des hypothèses étymologiques historiques. Nonobstant cela, en exceptant sa première publication – un compte-rendu de 1878 d’un article (puis tiré à part) d’Emile Ernault intitulé De l’urgence d’une exploration philologique en Bretagne (1877a) –, il semble que Loth ne se mit à l’étude des dialectes vivantes bretons qu’au milieu des années 1880, peu après la parution de ses thèses et son ouvrage philologique sur le vieux-breton et sa nomination à la Faculté de Lettres de Rennes en 1884. En plus de sa solide formation de celtisant au débuts des années 1880 sous les éminents celtisants Gaidoz et d’Arbois de Jubainville à Paris, Loth put profiter de son adhésion à la Société linguistique de Paris et des cours de Gaston Paris, côtoyant parmis ses pairs le dialectologue et phonéticien Pierre Rousselot et même Ferdinand de Saussure, éminent inspirateur de la linguistique structuraliste. C’était l’aube de la floraison des études du langage vivant en France qui vît avant la fin de cette décennie la formation de disciplines linguistiques nouvelles telles que la dialectologie et la phonétique illustré par la publication de la Revue des patois gallo-romans en 1887 (fruit d’une collaboration entre le Suisse, Jules Gilliéron, premier dialectologue français nommé à l’École des Hautes Études en 1883, et Pierre Rousselot, premier phonéticien français nommé à l’Institut catholique de Paris en 1887).
Nous ne nous attarderons ici pas sur les publications descriptives du breton composées par Loth – commençant par son propre parler pourlet en 1886 (voir ici) – mais nous voulons illustrer la façon qu’il profitait de voyages ou de rencontres pour glaner des informations sur les prononciations traditionnelles de noms de lieux au gré des rencontres. Par exemple, sachant que le –ac étymologique se prononçait différemment du –eg breton dans le Bas-Vannetais – comme le montre les toponymes morbihannais Prijèg (= Priziac), Zilhyèg (= Silfiac) – et que Briec provenait à l’origine de Briziac, Loth s’intéressait à une prononciation particulière de la syllabe finale de Briec dans le breton local : “Je ne sais pas comment, à Briec même, on prononce l’ec finale. Il faudrait pour en être sûr, fair le voyage de Briec même. … / … en Cornouailles l’accent très fortement expiratoire et énergétique sur la pénultième, il est fort probable qu’aujourd’hui on prononce à Briec même Briöc avec l’ö très bref, peut-être Brik avec l’i long, et un e à peine perceptible. Dans un récent voyage à Quimper, j’ai en vain essayé d’avoir la prononciation réelle de Briec” [Loth 1888: 358–59]. La prononciation Briöc qu’indique Loth correspond assez bien à la prononciation ˈbɣi·əg assez représentatif du breton central, mais à Briec même, la prononciation est en fait Bréy’g bɣejg. La supposition de Loth que la prononciation serait *bɣi·g s’accorde exactement avec une prononciation régulière qu’on pourrait entendre un peu à l’est de Briec dans les districts de Scaër et de Pont-Aven, et cela nous fait penser qu’il a pu rencontrer des bretonnants de ces districts quant il interrogea des personnes au sujet de la prononciation bretonne de Briec durant son voyage à Quimper. Le constat qu’il était difficile même dans les années 1880 de se procurer la prononciation traditionnelle représentatif d’un district si l’on n’était pas familier avec le district en question donne à refléchir sur les difficultés de procurer de telles informations linguistiques de tous temps.
Des 1897 au moins, Loth s’était lancé dans un projet d’accumulation de matériel pour un Dictionnaire onomastique général de Bretagne, basé sur des enquêtes auprès d’instituteurs locaux. Le projet, qui comprenait des mesures anthropomorphiques de la couleur des cheveux et des yeux des écoliers, ne fut jamais mené à terme, mais un riche fonds d’informations comprenant soixante questionnaires reçus d’écoles de toute la Bretagne occidentale est conservé à la Bibliothèque de l’université de Rennes (Section Droit, Fonds Loth) et fut utile à son successeur, le dialectologue Pierre Le Roux.
Le plus développé de ses publications, illustrant sa découverte que les toponymes bretons pouvaient être correctement analysés si on comprenait la loi phonétique qui y régissait la forme orale bretonne, se trouve dans son article Les noms des saints bretons (1908–09, puis tiré à part 1910). Dans cette publication il démontra a maintes reprises, en s’appuyant sur ce que nous convenons d’appeler ‘la règle de Loth’ la forme véritable des noms de nombreux anciens saints bretons déformées dans les formes documentaires.
X
Loth [1908 : 222] déclara – à tort selon nous – que :
“La plus grande difficulté est, pour un certain nombre de noms d’en retrouver la forme véritable. Pour les pays bretonnants la tâche est facilitée par la prononciation actuelle; … En zone anciennement bretonnante, aujourd’hui française, ce point d’appui manque, et les documents sont loin d’y suppléer.” (c’est nous qui soulignons)
Du fait du changement de langue, il y a bien sur des raisons bien concrêtes pour douter la fiabilité des prononciations locaux en langue française (gallo) pour élucider les formes véritables d’origine de toponymes bretons, mais cela ne va pas d’un rejet total de ces prononciations françaises locales qui peuvent représenter certains aspects de la forme d’origine en breton (ou au moins en écarter d’autres). Et, effectivement, en dépit de l’avis péremptoire qu’il avait déclaré, dans le même article, Loth contredisait ses propres recommandations en se reférant aux prononciations locales françaises pour illustrer certaines étymologies [1908 Loth: 242].
Déjà en 1888, Loth [1888: 359] avait fait cas du manque de réalisation du c-final dans des noms de lieux d’origine gauloise avec le suffixe adjectival –akos dans le français du pays gallo et que cela expliquait des graphies hypercorrectes où on trouvait un c-final écrit qui n’avait rien d’étymologique :
“Pour Avessac, Campénéac, Peillac, ils sont dans une zône depuis très longtemps française. On y prononce Avessa, Campegna, Peilla. C’est la prononciation de ce pays également pour les noms bretons en avos : Saint-Thuria, Saint-Sulia. / Cette prononciation identique des noms en ávo– et des noms gallo-romains en âco a même amené de singulières erreurs d’orthographe : ainsi on écrit officiellement Saint-Sulliac, tandis que la vraie forme est Saint-Sulliau.” [Loth 1888: 359]
On peut penser – bien qu’il faudrait le démontrer – que la prononciation traditionnelle des noms de lieux a une valeur étymologique même dans les régions où le français a déplacé le breton, et surtout – nous le pensons – où le breton était la langue principale il n’y a pas si longtemps. Le chercheur manxois, George Broderick [2018: 6] relatant ses recherches toponymiques en 1975 sur l’Ile d’Arran en Écosse et plus tard dans les années 1980 dans l’Ile de Mann, confirme l’utilité de demander la prononciation des noms de lieux du moins aux deux cohortes générationnelles à suivre les derniers locuteurs de celtique, ce qui nous inciterait à voir l’utilite de rechercher chez les gens dans la péninsule de Sarzeau et quelques communes limitrophes de la frontiere linguistique comme Plouagat ou Mur ou le breton a été perdu dans le vécu des plus anciens. La perte du cornique en Cornouaille britannique, n’empêcha pas Loth de recueillir des informations concernant les prononciations traditionnelles des noms de lieux en Cornouailles lors d’une visite dans la région de Penwith pour son article ‘Le Cornique moderne: traits principaux de sa phonétique et de sa syntaxe’ (1914). L’utilité possible de prononciations traditionnelles suivant le changement de langue du breton au français dans le XXe siècle est un fait a tenir en compte en faisant des enquêtes dans la Basse-Bretagne chez des personnes non-bretonnantes qui auraient connu les derniers bretonnants de leur district. Nous pouvons déclarer que si il n’y a aucune doute que beaucoup de traits phonétiques disparaissent avec un changement de langue, il est chose presque assuré que certains traits se prolonge dans la langue des premiers cohortes ‘francisantes’ élevés à proximité de bretonnants de souche.
Sa mutation à Paris en 1910 mit fin aux travaux de terrain directes de Loth concernant le breton dialectal et la vérité mélancolique est que Loth, préoccupé par tant d’autres avenues de recherche, ne composa pas d’article ou de publication pour asseoir et inculquer de manière durable son approche pour analyser les formes des toponymes avant de s’aventurer a émettre des hypothèses étymologiques. Il est une funeste constatation pour notre discipline que cette méthodologie scientifique qui accordait plus de poids – qu’auparavant – aux prononciations traditionnelles, méthode si nécessaire aux études toponomastiques, ne fleurit pas comme il aurait dû.
John Rhŷs (1840-1915)
Le pendant gallois de Joseph Loth, John Rhŷs, était lui aussi d’origine humble, élevé dans les montagnes du Cardiganshire, ce qui ne l’empêcha pas de devenir le premier professeur de celtique titularisé à Oxford en 1877, poste qu’il retint jusqu’à sa mort (accumulant de surcroît d’autres postes importantes à l’Université d’Oxford tel que directeur de Jesus College après 1895). Pendant les périodes estivales de ses années doctorantes de 1868 a 1871, comme chercheur (fellow) affilié à Merton College (Oxford), Rhŷs suivit des cours de linguistique à la Sorbonne et au Collège de France (avec les celtisants Arbois de Jubainville et Gaidoz) et aux universités allemandes de Heidelberg, Leipzig et Göttingen y gagnant une solide formation indo-européaniste. EXPAND
Nous nous n’attarderons pas sur ses principaux recherches qui ont abouti à des livres sur la phonétique historique du gallois (1877), l’histoire ancienne des Îles britanniques (1884, 1891), description phonétique du mannois (1894), et sur le folklore gallois et la mythologie celtique et arthurienne (1891, 1901) sans compter des études sur les anciennes inscriptions lapidaires ogamiques en gaélique archaïque et en ancien celtique.
Inspecteur des écoles entre 1871-77 dans les comtés galloises de Denbigh et Flint, ou il commenca a recueillir des contes et des croyances dans la campagne.
Wmffre (2003: 31-41; 2004: xxiii-xxvii) a deja traite les questions de l’emploi de transcriptions utilisant des alphabets phonetiques pour le gallois et d’autres langues.
2004 xxv Nevertheless, distinguished pioneering philologists such as John Rhŷs, Joseph Loth, Egerton Phillimore and Ifor Williams paid great attention to local pronunciations when elucidating the meaning of place-names
Egerton Phillimore (1856-1937), met Rhys at Oxford, became interested in Welsh, rentier venu habiter le village reculé de Corris (Merionethshire) en 1903.
Nevertheless, scholarly work does extend back to the late nineteenth century, and begins with the work of Syr John Rhŷs, first Professor of Celtic at Oxford University, and Egerton Phillimore, an eccentric Englishman and independent scholar who published little, but who was generally acknowledged in his day as perhaps the greatest living expert on Welsh names. [Jones 2012: 34]
Trefyclodd is the Welsh name of Knighton (Rads.), “Trefcclawdd (like Llanýcil on Bala Lake, …) Mr. J. A. Bradney has heard this form used by Welsh speakers guiltless of the literary tongue;” [1906 H. Owen: 3.331]; (Joseph Bradney (1859-1933), historien réputé du comté de Monmouthshire.
Indeed the need for a methodical desciption of place-name pronunciation was convincingly put forward by A. W. Wade-Evans as early as 1935 [123] in the course of highlighting the difference between the pronunciation and the writing of place-names in western Pembrokeshire:
“It would be very helpful if writers, in dealing with obscure places throughout Wales and its borders, would tell us as exactly as possible how they are pronounced by local residents, unaffected by book-learning and that a fashion should begin of introducing some such letters as l.p., ‘locally pronounced’, after the official or conventional modes of writing such names … In this connection one may also mention the high value of local rhymes and jingles, which preserve the correct pronunciation of place-names in the local dialect …”
2004 xxx The main point I would like to make is that despite the Rev. A. W. Wade-Evans’s having cogently argued and demonstrated the importance of gathering information in the locality in a 1935 article entitled ‘Pembrokeshire Notes’ in AC [90.123–34], The Place-names of Pembrokeshire hardly shows traces of methodological local enquiries.
Voici les quatre œuvres qui étudient méthodologiquement la prononciation des toponymes de telle contrée ou région dans le Pays de Galles : Thomas 1933 ; Dafydd 1980, Wmffre 2003 ; Wmffre 2004.
Les pays gaéliques et le reste du monde
Le pionnier de la toponomastique scientifique en Écosse fut William J. Watson (1865–1948), originaire d’une contrée gaélicisante des Hautes Terres (Highlands) à l’ouest de Inverness qui fit des études de lettres classiques aux universités d’Aberdeen et puis Oxford, où il suiva les cours de John Rhŷs. Devenu directeur d’école à Inverness soudainement après son départ d’Oxford, son intérêt pour sa langue natale et l’enseignement de Rhŷs se démontrait dans son Place Names of Ross and Cromarty, publié en 1904, où il déclarait sans ambages dans la préface sa critique des œuvres toponomastiques de son époque :
“L’incertitude et le manque de précision qui ont caractérisé une grande partie des travaux essayés dans le cadre des études de noms de lieux écossais sont dus principalement à des données erronées ou imparfaitement vérifiées. Dans les régions des Basses Terres (Lowlands), où les seules données pour les noms d’origine celtique sont constituées de formes modernes anglicisées et d’orthographes anciennes, cette incertitude est en grande partie inévitable : la vieille prononciation celtique, la quantité des voyelles et la qualité des consonnes doivent souvent faire l’objet de simples conjectures. Mais partout où le gaélique est encore vernaculaire, ou lorsque, comme souvent, les formes gaéliques authentiques de noms se produisent dans des districts autrefois celtiques mais maintenant anglais sont procurables, ces difficultés sont énormément simplifiées. On constatera que la prononciation gaélique moderne, telle qu’elle est transmise par la tradition ininterrompue, est dans l’ensemble très conservatrice, que les noms soient d’origine picte, scandinave ou purement gaélique. À l’aide de ces formes gaéliques modernes, seules ou complétées par d’anciennes formes écrites, l’enquêteur, compte tenu de ses connaissances et de son expérience, devrait dans la plupart des cas être en mesure d’arriver à un degré élevé de précision dans l’interprétation. Le travail passe de la sphère de la supposition à celle d’une recherche scientifique solide.”
Voici les principaux œuvres dans les pays à langues gaéliques connus de nous qui étudient méthodologiquement la prononciation des toponymes de telle contrée ou région :
- pour l’Écosse : Watson & Allen (1984) ; MacDhòmhnaill (1997) ; Cox (2002) ; Watson (2013) ; Watson & Murray (2015) ; sans oublier un travail sur l’Ile d’Arran par Broderick qui reste à publier.
- pour l’Ile de Man : Kneen (1925–28) ; Broderick (1994–2005) ;
- pour l’Irlande : les travaux pionniers datant des années 1940s et 1950 des chercheurs de l’Ordnance Survey Ireland restés à l’état manuscrit, puis : Ó Catháin (1966) ; Ó Catháin & O’Flanagan (1975) ; Ó Catháin (1977) ; Ó Ciobháin (1978–85) ; Ó hÓgáin & Kennedy (2017).
Le toponymiste Breandán Ó Ciobháin [1985: xx] who argues persuasively upon the need to note, methodically, traditional local pronunciations:
“All versions of names supplied by all informants are published. While this may seem superfluous it can be justified on the grounds that it is almost certainly the last occasion on which the names will be recorded … Again, while many versions are linguistically corrupt or idiosyncratic, emanating as they do from a milieu of linguistic decay, their exclusion would not only conceal the very nature and quality of the evidence but would also prejudge its hitherto unexplored potential. In this material, for instance, one can observe not only the transformations undergone by the names themselves in both the diachronic and synchronic dimensions, but also the stages in, and the very nature of the process of linguistic decay itself.”
I thus agree wholeheartedly with B. Ó Ciobháin’s [1985: xix] comments:
“The most important part of the material is the oral component, including versions of the names and information relevant to various aspects of them.”
“The author’s sense of urgency in this respect [i.e. collecting oral forms] does not seem to be shared by others,”[1985 B. Ó Ciobháin: xx]
Pour la France, Albert Dauzat in his guidelines [1926: 16] noted:
“Le répertoire des noms de terrains ou lieux-dits est fourni par le cadastre … mais dont les données … doivent être complétées par des enquêtes orales et des recherches d’archives.”
In 1920s France, Dauzat voiced his fears and opinion concerning traditional pronunciations of toponyms:
Comme tous les mots du langage, les noms de lieux ont évolué suivant les lois de la phonetique régionale / Il importe d’enseigner leur prononciation correcte, car l’orthographe tend de plus en plus à réagir sur la prononciation … c’est surtout de nos jours que s’est accusée la réaction de la forme écrite sur la langue parlée. On a tendance, pour les noms propres comme pour tous les noms peu ancrés dans la tradition orale, de prononcer les noms comme ils s’écrivent, de donner à toutes les lettres leur valeur graphique. Ce sont d’abord les étrangers qui parlent ainsi, mais ils finissent par réagir sur les indigènes, sur les jeunes surtout, désireux de ‘bien prononcer’, d’adapter la prononciation de la ville, de la capitale. Pour les localités qui possèdent une gare, l’influence des employés de chemins de fer (toujours allogènes) qui en criant les noms des stations, les impriment dans l’oreille de milliers de voyageurs est considérable. De même celle des instituteurs qui, pour inculquer l’orthographe des noms de lieux à leurs élèves, ont trop souvent le tort de leur faire prononcer des lettres purement graphiques: leur rôle au contraire doit être d’apprendre les principes des graphies régionales et de les vulgariser. / N’ai-je pas entendu prononcer le z de Semnoz sur la montagne elle-même? [1926 Dauzat: 53 / 68 / 69]
La tradition anglaise de l’English Place-name Survey, par contre, A. Mawer & F. M. Stenton [1925b: viii] in their guidelines to place-name students, which was to prove so influential to the methodology adopted by the EPNS volumes, said: “The local pronunciation of the place-name is given whenever it is of interest.”
It is high time to integrate the methodical recording of the pronunciation of place-names following IPA conventions as one of the prerequisites of place-name studies alongside other well established lines of inquiry. This is certainly the position adopted by students of native cultures of North America; P. O. Afable & M. S. Beeler [1996: 189], after noting that much of the literature on North American place-names was of “questionable validity”, conclude:
“The ideal place-name analysis begins with knowledge of how a name was pronounced, what the site was that it referred to, and what its meaning was. In order to ascertain the meaning of a name and that of its constituent parts, an adequate knowledge of the grammatical structure of the source language is necessary. Careful work with a knowledgeable native speaker is most desirable …”
La Commisison de Toponymie du Québec ne fait pas autrement dans ses répertoires de toponymes amérindiens dès 1968 (www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/toponymie-autochtone/repertoire-toponymie-autochtone/).
Hudon, Hélène. 1986. Méthodologie des inventaires toponymiques. (Québec: Commisison de Toponymie du Québec). [33 pages, il existe une version anglaise.]
2004 xxvii P. Power [1907 (1952 edn): 17] seems to have experienced the same logistical difficulties:
“Throughout the work questions of Irish spelling, consideration of grammar, philology and phonetics have been held as of secondary importance. To the writer it has seemed that the first and immediately important point was to get the names; many of the latter, if not collected now could never be recovered, whereas the spelling and grammar can afford to wait.”
Pour l’anecdote
Wmffre 2003: 41 I have never avoided soliciting any type of informant, as long as they had a local connection, but it must be said that those who were the most conversant with Welsh writing and books tended not to represent local lore (in the case of such people – often schoolteachers, ministers, bards or local historians – one could never be sure whether the knowledge they imparted was local or derived from a written source). I certainly did not follow the 1874 OS guidelines Survey to Field Examiners which held that:
“For the name of a house, farm, park, wood, or other part of an estate, the owner is the best authority. For names generally the following are the best individual authorities, and should be taken in the order given:
- Owners of property; estate agents; clergymen; postmasters, and schoolmasters, if they have spent some time in the district; rate collectors; road surveyors; borough and county surveyors; gentlemen residing in the district; … / Respectable inhabitants of some position should be consulted. Small farmers or cottagers are not to be depended on, even for the names of the places they occupy, especially as to the spelling, but a well-educated and intelligent occupier is, of course, a good authority.” [Harley & Walters 1982: 120]
Whilst I deplore the tone of class prejudice in the above piece, especially the last paragraph, which emphasized the ‘written’ or ‘official’ name, rather than any true local designation, it is evident that the difference in emphasis of the OS instructions also reflects the particular social structure of that period (see pp.51–4, 58–63).
En guise de conclusion
Ce tour d’horizon de la toponomastique accompli, est-il besoin de citer toujours plus de témoignages de spécialistes dans la matière ? Il est clair que la méthodologie fondamentale pour étudier la toponymie doit inclure le travail de terrain chez des informateurs qui ont ‘vécu’ les noms en question et qu’une transcription phonétique (idéalement) ou mimétique de la prononciation est requise. La recherche purement documentaire – aussi nécessaire qu’il est – n’est pas assez pour accomplir une enquête scientifique et méthodologique de la toponymie d’une région. Nous constatons que certains doivent apprendre cette vérité qui est l’existence de formes oraux vénérables de toponymes qui sont différents des formes écrites, tandis que pour d’autres cette vérité est évidente en soi. Donnons, pour clore, cette anecdote concernant une conversation entre deux archéologues anglais qui illustre si bien cette divergence de dispositions envers cette dualité intrinsèque qui accompagne souvent les toponymes à formes écrites. En 2009, Tony Robinson et Phil Harding, deux collègues de l’émission ‘Time Team’ – une série télévisée populaire anglaise d’archéologie – se trouvaient à la fin d’une de leurs émissions consacrée à des fouilles sur les restes d’une ville romaine dans le Wiltshire près du village de Mildenhall aux abords de la ville de Marlborough :
Tony : … le village médiéval de Mildenhall [ˌmɪldᵊnˈhɒːl], bizarrement désigné Minal [ˈmɪnᵊl] par ses habitants.
[le générique de fin d’émission apparaît, et on voit les deux collègues s’éloignant du caméra tout en discutant]
Tony : Alors, où se trouve donc le bar le plus proche ?
Phil : Minal, en bas, dans le village.
Tony : Quoi ? Mildenhall ?
Phil : Non ! Minal ! Je ne cesse de te le répéter ! C’est Minal !
Tony : M-I-L-D-E- …
[apparaissent les crédits de fin d’émission …]
Tony : Ce n’est qu’un son, ce n’est pas un mot !
Phil : C’est un mot tout à fait convenable !
Il faut savoir que Tony – acteur de profession et présenteur de l’émission – est londonien, donc urbain (on pourrait dire ‘parisien’), tandis que Phil – archéologue de profession – est campagnard, et même un peu ‘gaulois’ de caractère, employant un accent ‘West Country’ des plus imperturbables. Phil est originaire d’à peine une quinzaine de kilomètres au sud-est de Mildenhall et fut scolarisé à l’adolescence à l’école secondaire de Marlborough même, donc il est parfaitement au courant de la prononciation du pays et, de surcroit, il en est fière ! Pourtant il est archéologue professionnel, et – fait rare chez les professionnels dans le sud de l’Angleterre – il a gardé son accent régional. Tony, par contre, est un produit urbain très typique de la classe moyenne anglaise qui se montre très réticent à adopter la prononciation locale, et on sent qu’il renferme des biais ô trop communs contre des paysans bouseux. Pour mémoire, Mildenhall et Milnal représentent respectivement des prononciations, soit selon l’écriture qui est très archaïque ici puisqu’il se rapproche de la première attestation Mildanhald 806, soit selon des formes évoluées déjà attestés des la fin du Moyen Age (Midnall 1539, Minhale 1663, Minal 1760), formes développées, certes, mais qui ont quand mêmes près de 500 ans d’existence assûrées ! (d’ailleurs le recteur de l’église ne s’embêtait pas d’écrire le nom du village comme Minal en 1978).
Comme le montre cette anecdote, pour ce qui est de prononcer les noms ‘à la traditionnelle’ où ‘selon l’écriture’, on l’est ou on ne l’est pas dans ce monde contemporaine vouée depuis peu – en termes historiques – à l’alphabétisation universelle. Une partie grandissante de la population ne connaît plus l’importance et l’indépendence des formes parlées traditionnelles des noms de lieux, variantes évoluées provenant directement par évolution linguistique des formes originales des lieux, et souvent capables de nous renseigner là où les formes écrites ne le font pas. D’ailleurs, en Angleterre la cohérence entre l’écrit et la prononciation n’est pas automatiquement au rendezvous en ce qui concerne l’emploi ou non des formes évoluées des noms ; les classes ‘eduquées prennent un plaisir fou à attraper les étrangers à leur expliquer que des villes comme Worcester, Gloucester, Bicester, Leominster, Cholmondeley, Magdelen College se prononcent ‘Wooster’, ‘Gloster’, ‘Bister’, ‘Lemster’, ‘Chumlee’, ‘Maudlin’ et que les noms de familles comme Mainwaring, St. John, Beauchamp se prononcent ‘Mannering’, ‘Syngeon’, ‘Beecham’. Dans certains cas, comme pour la ville de Cirencester, les prononciations évoluées comme ‘Sisiter’ ~ ‘Sister’ sont de nos jours plutôt récessifs, mais ils devaient être assez bien connues en 1928 quand ce limerick apparût dans le magazine humoristique Punch [Wikipedia s.v. Cirencester] :
There was a young lady of Cirencester / whose fiancé went down to virencester [= visit her] / by the Great Western line, / which he swore was divine, / and he couldn’t have been much explirencester [= expliciter] (‘Il y avait une jeune demoiselle de Cirencester / dont le fiancé alla la rendre visite / par moyen de la ligne ferroviaire du Great Western, / qu’il jura divin, / et qu’il ne pouvait pas être plus explicite ‘)
Nous voyons de ces exemples – selon les normes de comportement anglaises – que l’attitude de Phil n’est pas nécessairement à classifier comme rustre en fait, mais plutôt à classifier comme un indicateur de sagacité et de cultivation.
POSTÉ mai 2020.
This trend towards a more complete toponymic picture is already evident in English toponymic study, M. Gelling [1984: 3] recently bemoaned the fact that English toponymists (including herself) had until the 1960s concentrated on historical aspects of the subject to the detriment of the geographical (or topographical) dimension. Certainly another ‘reforming’ toponymist J. Field [1986: 18, 19] thinks that a prime aim of toponymic study should include the elucidation of field-names, requiring:
“… an extension of semantic horizons to include details of agrarian history and agricultural practice, as well as chronological matters of more recent centuries, and the temptation to limit one’s attention to the picturesque, or the merely unusual, must be resisted. / … Detailed local study, both linguistic and topographical, will confirm that all the field-names of an area will repay collection and consideration … even names frequently dismissed as commonplace, offer rewards to the patient enquirer … adding an important intellectual dimension in the restoration of historical landscapes.” [1986 J. Field: 18, 19]
This ‘restoration of an historical landscape’ was high on my mind when I was occupied with the study of Cardiganshire place-names.