Iwan Wmffre
Définir le champ d’enquête
Le but de toute enquête méthodologique de terrain sur les prononciations orales traditionnelles des toponymes d’un contrée doit établir un but logistique qui est de définir le champ de l’enquête. Dans le contexte breton, cela amène, en général, à enquêter dans le contexte d’une commune ou un groupement de communes (que se soit un canton ou un autre groupement de communes basés sur des considérations ethnographiques ou topographiques). Le champ étant défini, on passe à la tâche de préparer une liste de toponymes à vérifier et tout de suite – et surtout du point de vue logistique – on se heurte à la distinction qu’on ne peut éviter entre une étude de toponymie et une étude de microtoponymie. Si un inventaire des oïconymes (noms de lieux habités) d’une commune entraîne l’étude d’un nombre relativement restreint de toponymes moyennant plus ou moins 90 toponymes par commune en Basse-Bretagne, il en va autrement des microtoponymes dont le nombre s’elève à plusieurs milliers par commune. Tout en gardant un chevauchement sensible, l’étude de la microtoponymie demande d’autres considérations que l’étude toponymique des lieux habités et nous invitons nos lecteurs à se reporter à la page du HLBI sur la microtoponymie (voir sous 3.05).
Dresser des listes communales des lieux habités
Le meilleur travail de terrain s’accompli avec une préparation minutieuse au préalable et pour des enquêtes toponymiques de terrain cela revient à dresser une liste des lieux habités (oïconymes). Toute source cartographique doit être étudiée (carte de Cassini du fin XVIIIe siècle, cadastres anciens (napoléoniens) du début XIXe siècle, cartes d’Etat Major datant du XIXe et du XXe siècle, cadastres rénovés du milieu du XXe siècle, cartes IGN au 1:25 000 dont on a plusieurs éditions depuis les années 1960, la carte OpenStreetMap/BANO accessible sur l’internet, plans communaux et vicinaux, etc.). Dresser une liste alphabétique de tous les noms de lieux habités d’une commune est un processus laborieux qui n’a été complété par nous pour la Basse-Bretagne qu’en fin 2021, suivant six ans de travail.
La liste toponymique communale suivera l’ordre alphabétique, mais pour des besoins de collectes de terrain on recommande de regrouper les toponymes suivant les quartiers dans les communes les plus étendues. Regrouper par quartiers ou non dépendera, bien évidemment, de la méthodologie choisie pour accomplir le collecte de terrain. Le nombre de lieux habités nommés dans une commune peut varier dans une fourchette qui va d’une poignée de toponymes à 400 toponymes (Languidic avec au moins 350 lieux nommés detenant le record communal bas-breton). 1Ces estimations sont basées sur le nombre de toponymes recueillis dans les listes de toponymes de l’INSEE datant des années 1950, des chiffres qui représentent une sous-estimation d’au moins 10% par rapport aux toponymes recueillis de multiples sources.
Dresser une liste de prospection
Pour bien faire la liste communale alphabétique voulu pour la publication devrait etre transformée suivant la localisation des lieux dans les listes de prospections. Nous avons peinés beaucoup pour retrouver la localisation exacte de chaque toponyme en scrutant tous les sources cartographiques et nous sommes donc en position de fournir des indications de localisations précises pour les listes de prospections. Mais il n’est pas évident que la connaissance des localisations toponymiques suffisent aux enquêteurs pour bien faire leur travail ; nous soupçonnons qu’une entrevue faite sur la base d’une liste alphabétique peut se révéler déroutant aux informateurs pour qui les noms de lieux se placent uniquement dans un cadre géographique. Nous recommandons donc que les listes communales alphabétiques de base soient réarrangées pour donner une ou plusieurs listes vicinales qui suivent des itinéraires partant d’un point A pour arriver à un point B, avec chaque toponyme placé dans l’ordre logique de la progression sur cet itinéraire, avec indications s’il se trouve à gauche ou à droite de l’itinéraire. Cette méthode doit être la plus sure pour bien récolter les noms de lieux dans un contexte concret lié au vécu des informateurs (malheureusement il demande encore plus de temps de préparation et pour cette raison n’a pas été suivie même par nous pour la plupart de nos entrevues). Donc notre recommandation idéale (counsel of perfection dixit les Anglo-Saxons) est que nous évitons d’obliger nos informateurs de ‘sauter’ d’une partie de leur commune à l’autre bout pour des raisons qui les déroutent et que nous leur demandons de faire un cheminement imaginaire à travers leur commune.
Étant que le but du HLBI est de présenter des versions bretonnes authentiques des toponymes bretons, nous avons habillés les toponymes dans une forme d’orthographe mimétique qui s’approche le plus possible du parler des informateurs même dans les listes de prospections. Cela se révèle d’être une gageure dans la mesure que nous ne pouvons pas êtres a 100% sûrs des formes locales avant d’y avoir enquêter dans la commune même. Beaucoup de connaissances antérieures nous sont venus en aide ainsi que la mise en œuvre de beaucoup de vérifications préalables des traits de chaque dialecte avant que les formes mimétiques des toponymes sont arrêtés pour les listes de prospection. Le danger omniprésent dans une entrevue sur les toponymes locaux est de susciter les informateurs à répéter une forme prononcée à l’avance par l’enquêteur. On ne sous-estimera jamais trop la volonté de certains informateurs à se conformer aux dires de l’enquêteur. Certains enquêteurs ont adopté le stratagème de prononcer un toponyme d’une façon française exagérée pour y recueillir par replique de l’informateur une forme bretonne non-suscitée par l’enquêteur ; cela peut marcher avec certains informateurs mais le danger est que les informateurs acceptent une prononciation française d’un toponyme comme monnaie courante en dépit du fait que leur prononciation naturelle du même toponyme n’a rien avoir avec une telle francisation outrée. Aujourd’hui, plus que jamais, au moment des derniers soubresauts finaux de la communauté langagière bretonne, les derniers bretonnants sont enclins à accepter des prononciations françaises de toponymes comme bretonnes puisqu’ils les entendent plus en français qu’en breton dans leur vie quotidienne depuis au moins cinquante ans. Habitué à accepter la prononciation française comme la seule correcte en langue courante, parfois même la prononciation de mots bretons en français, le bretonnant traditionnel lambda n’est pas toujours conscient de la différence entre une forme authentique bretonne et une forme francisée faute d’y avoir trop cogité là-dessus. De là vient l‘importance que les chercheurs aient des compétences phatiques en breton pour bien faire le collectage.
La connaissance phatique du breton par les prospecteurs toponymiques de la Basse-Bretagne, plus important que le bon breton (brezoneg mad) est le breton convenable (brezoneg prop), un breton qui résonne comme le breton auquels les locuteurs traditionnels sont habitués. Nous irons plus loin dans notre définition du type de breton le plus propice pour les buts voulus : il est préférable qu’un emploi du breton farci d’emprunts français que de s’efforcer à parler un ‘bon’ breton. Pourquoi cela ? Les chercheurs seront généralement plus jeunes et d’origine plus francophone que les informateurs, et toute francisation dans leur breton ne gênera pas les informateurs qui s’attendent à que la jeune géneration ne parlent pas breton ‘comme il faut’, par contre, tout effort pour employer les termes et les tournures les plus bretons pourraient facilement donner un sentiment d’infériorité aux informateurs, ce qui souvent ne facilitera pas les enquêtes. Idéalement, les chercheurs devraient s’efforcer d’atteindre l’équilibre juste entre un mauvais breton francisé et un bon breton châtié, c’est-à-dire un breton convenable et compréhensible aux informateurs. Quel est cet équilibre au juste ? Un locuteur natif n’aura pas trop de mal à s’y trouver, mais un néo-bretonnant aura du mal à s’y trouver sauf s’ils se sont mis à écouter et à intégrer la langue des bretonnants traditionnels. La consigne ultime qu’on puisse donner aux individus qui chercheraient à récupérer la prononciation authentique des toponymes bretons chez les informateurs de tradition, est qu’ils doivent observer et apprendre et non donner des leçons ni d’exemples aux informateurs. Nos buts sont d’ ‵éliciter′ des informations et non pas les ‵susciter′ (distinction subtile qu’on peut examiner dans une des listes de terminologie).
Notre politique de mettre en avant des formes bretonnes supposées dans les listes de prospections encourt elle aussi des dangers de suscitation chez les informateurs mais, puisque les formes françaises elles aussi posent des dangers de suscitation, on est contraints de constater que finalement on ne peut jamais éviter des risques de suscitation par les formes écrites qu’elles que soient leur origine. Le tout est de comprendre la propension des formes écrites à susciter des prononciations non-représentatives chez les informateurs. L’avantage d’une liste de prospection ayant des formes bretonnes mimétiques est de souligner au chercheur le type de prononciation à laquelle on doit s’y attendre, sans qu’on n’y leur accorde trop de confiance. La question de la réalisation ou non d’un l’article défini initial dans les toponymes bretonnes est une des problématiques les plus graves subsistant dans les listes de prospection dressés par le HLBI ; la seule remède est une caution aux chercheurs quant à son existence ou son réalisation dans tel et tel dialecte.
Prôner une approche d’ensemble et pas seulement étymologique
Les inconvénients d’une approche étymologique aux collectes de noms de lieux.
Une approche géographique.
Les connaissances toponymiques des informateurs
Nous estimons que les meilleurs informateurs (ceux nés en 1930 ou avant, qui ont vécu la société rurale traditionnelle bretonne) peuvent connaître à fond tous les toponymes d’une commune contenant 100 lieux habités nommés mais dès que ce nombre est dépassé et la commune est plus étendue, la connaissance des lieux devient moins précise et moins authentiques. Ce n’est pas pour dire qu’un informateur ne peut pas fournir 200 prononciations de lieux habités qui sont très authentiques, mais sa connaissance sera généralement moins bonne pour certaines parties du territoire abordé. En fait la connaissance de certains noms de lieux dépend de la mémoire des générations précédentes plutôt qu’à un emploi vivant et ces toponymes de memoire sont sans doute sujette à une transmission plus aléatoire que les noms de lieux contemporains de l’informateur. Il y a les prononciations dans le vécu commun de tous les locuteurs d’un certain district puis il y a les prononciations acquises un peu plus tard dans l’expérience d’un informateur qui serait devenu conseiller, maire, instituteur, prêtre. Des professions ambulantes comme facteur, cantonnier, livreur de lait, garde champêtre, et même chasseur dans le domaine des passe-temps amène certains bretonnants à connaitre des toponymes bien au délà de leur milieu familial. Il n’est pas besoin de démontrer que la prononciation d’un toponyme entendu maintes fois dans la vie d’un informateur est plus susceptible d’être préservé dans une forme représentative qu’un toponyme entendu une fois seulement et – comme chaque personne vivante – il y a chez nos informateurs des toponymes bien connus et d’autres connus que par un souvenir très imprécis. Tout comme les mots simples, il y a des toponymes rarissimes dans le répertoire de chaque informateur du type ‘j’ai entendu les anciens dire X’ ou ‘mon grand-père disait X’. Dans cette optique, vu la repartition des tâches entre les sexes dans la société rurale traditionnelle nous pouvons nous y attendre à ce qu’un informateur mâle ait des connaissances toponymiques plus étendues que sa sœur restée à la maison, ou qu’un informateur passionné de la chasse ait des connaissances toponymiques plus étendues sur sa contrée que son frère plus porté sur des connaissances livresques. Des tels généralisations ne doivent pas cacher le fait que les connaissances toponymiques varient beaucoup d’un individu à l’autre suivant leur intérets et – sans doute à un certain degré – à leur aptitudes cérébrales et sociables et aussi leur prédisposition à porter secours à une enquête toponymique mené par un inconnu au pays. Au delà des différences individuelles, tous les bretonnants issus de cette société rurale traditionnelle ont quelque lumière à apporter sur les toponymes bretons et leur prononciation.
Comment découvrir et approcher les informateurs
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Méthodes d’élicitation des formes orales des noms de lieux bretons
Nous revenons maintenant aux question d’élicitation des données qu’on recherche. Comment éliciter le plus efficacement les prononciations usuelles en breton des noms de lieux d’une commune basse-bretonne ? Il peut s’avérer tres difficile de faire comprendre à beaucoup d’informateurs qu’il existe des formes bretonnes différentes des formes officielles des noms de lieux qui sont après tout aussi des noms de lieux bretons. L’ex-maire d’une commune nous répondait que les noms de lieux de sa commune étaient écrits officiellement convenablement en breton puisqu’il ne voyait franchement aucune différence entre l’écrit et la prononciation, ceci en dépit du fait que la prononciation kwaˈtajlis de Koat an Iliz montrait bien que le nom provenait de koad + np. Haƶiliz et on de koad + an + iliz. L’informateur ordinaire, souvent désiorienté par des questions toponymiques à laquelle il n’a sans doute jamais du y penser, encore moins les adresser, doit être élicité d’une façon ou d’une autre à fournir aux chercheurs les prononciations traditionnelles des noms de lieux de sa commune.
Est-ce qu’une liste écrite est suffisante pour éliciter les réponses voulues ? Il semble que non puisque la lecture d’une forme écrite influera presque toujours les informateurs à modifier leur prononciations pour accorder avec ce qui est écrit, ce qui équivaut à fausser les données puisque le HLBI cherche spécifiquement les prononciations orales usuelles en breton. Le probleme n’est pas résolu si la liste est composée de noms écrits suivant des conventions bretonnes plutôt que les formes françaises officielles : toute forme écrite montrée aux informateurs risque de susciter pour le nom de lieu des formes non-usuelles, des interférences dues à la forme écrite.
Le même problème subsiste si on invite l’informateur à répondre en utilisant une carte où les mêmes facteurs les conduisent à lire une forme écrite plutot que de prononcer la version bretonne orale. Ce qui plus est, l’inspection d’une carte par l’informateur peut briser le naturel d’une conversation pendant que l’informateur se concentre sur la carte en entonnant des hmm… et des ah… .
Il est sans doute un peu mieux d’inciter les réponses par moyens de suscitations orales des noms de lieux par le chercheur bien qu’il existe toujours des risques d’interférences. Une méthode employé par certains chercheurs pour parer à une possible interférence de la forme énoncée par eux est de prononcer exaggèrement incorrectement les noms dans sa liste. Ce qu’est incorrectement est sans doute généralement un accent français exaggéré, mais cela ne semble pas tres facile à faire pour tous les noms de lieux d’une commune.
Un remède à tous ces dangers d’interférences par suscitation orale/écrite est de proposer de promener l’informateur en voiture où il nommera plus facilement tous les lieux qu’il connaît par nom dans des circonstances naturelles et spontanées (à diverses occasions c’est en fait les informateurs eux-mêmes qui nous ont proposé de faire un tour en voiture !). Évidemment meme dans telle situation ‘naturelle’ il y a des panneaux de signalisation qui peuvent – à priori – susciter des formes non-orales même avec cette méthode de ‘contact direct’ avec les toponymes par promenade en voiture.
Nous avons parlé d’informateurs ordinaires, mais il y a énormément de variation dans le tempérament et la compréhension des informateurs qui fait que la méthode élicitative employée est sans doute moins important que l’assurance d’un informateur particulier vis-a-vis son breton.
Le problème des interférences dans la prononciation bretonne dans l’ ‘Age de la Débretonnisation’
Qu’on le regrette ou pas, il est clair que la Basse-Bretagne, naguère bastion de la langue bretonne, est en train de vivre les derniers soubresauts d’un processus sociétal d’envergure tectonique de débretonnisation ; d’une société à 90% bretonne avant 1914, le breton est aujourd’hui la langue d’à peine 5% de la population de la Basse-Bretagne, et dans dix ans (2030) cette langue sera seulement la langue maternelle de quelques indivus âgés et isolés. Et bien que qu’on parle souvent depuis 1970 du renouveau et de la revalorisation du breton, nous ne pouvons esquiver le fait que nous entendons enquêter sur une société bretonnante en déclin terminal. Le fait que nous enquêtons dans l’Âge de la ‘Débretonnisation’ signifie qu’il faut que nous accordions un peu plus d’attention aux multiples interférences faite à la langue bretonne, surtout en ce qui concerne la prononciation des toponymes. EXPAND
Le besoin de ratissages successives
Quoi que l’on fasse dans un entrevue avec un informateur il est important de laisser derriere soi ‘un bon gout’ pour qu’on puisse etre bienvenus au retour. Il est rare qu’on ne ressente pas le besoin de retourner a une date ultérieur vérifier quelque point qu’on ne put apprendre la premiere fois. Un ‘ratissage’ désigne pour le HLBI soit une visite préparatoire pour arranger un entrevue, un entrevue ou une visite éclaire pour vérifier ou pour découvrir quelque autre point d’intérêt. Il est évident qu’un collecte méthodique de savoirs sur la toponymie et certains aspects du breton d’une commune ou d’une localité ne peut pas se faire en un ‘ratissage’ : y penser autrement serait naïf, ou plutot le jugement d’une personne qui ne se serait pas attelé a faire une telle collecte. Cela ne veut pas dire qu’un apres-midi ne serait pas assez pour compléter la plupart des noms de lieux d’une commune de taille moyenne, mais dans la nature des choses il reste toujours des points a vérifier, des prononciations, des lieux pas connus etc. EXPAND
L’importance d’enregistrer les prononciations recueillies
On a beau dresser des schémas très recherchés pour pouvoir transcrire la prononciation de toponymes dans un alphabet phonétique, la complexité des possibilités vocales existantes en breton – comme dans n’importe quel autre langue – rend toute transcription phonétique incomplète. C’est de là que vient l’importance d’un témoignage audio saisi par enregistreur sonore qui retient toutes les informations nécessaires à une analyse linguistique de l’énoncé. Pour le projet du HLBI, nous avons adopté une attitude un peu méfiante vis-à-vis la réalité de transcriptions phonétiques dont nous ne possédons pas d’autre preuves – qu’elles proviennent de sources enregistrées ou de transcriptions de terrain. Dans cette optique, nous avons procedes à des enquêtes de terrain dans des communes très distanciées pour pouvoir contrôler un peu les transcriptions phonétiques d’autres dialectologues et de mieux comprendre la valeur qu’ils accordent à leurs symboles phonétiques.
Il faut bien comprendre que, tout en se réclamant d’un système de conventions de transcriptions phonétiques de l’Alphabet phonétique international (l’API), les linguistes et les dialectologues décrivant la prononciation du breton emploient des incohérences entre eux qui oblige le HLBI ou tout autre analyse globale du breton à retranscrire le travail des autres. Il faut aussi comprendre que ce travail de retranscription ne comporte pas automatiquement une critique de toute transcription phonétique antérieure mais plutôt à etablir la plus grande cohérence en matière d’alignement des conventions phonétriques pour les besoins de comparaison. Le choix de symbole adopté par le HLBI pourra en certains cas être critiqué mais pas la démarche qui cherche à amoindrir les malentendus. Nous avons donc pour les besoins du HLBI élaboré une systématisation plus performante pour transcrire la phonétique du breton (voir sous 6.01) auquel on s’efforce tant bien que mal à adapter les transcriptions phonétiques antérieures. Il y a sans doute quelque bévues, mais globalement nous pensons avoir améliorer la situation par l’acte de restranscription que d’avoir laissé un méli-mélo de transcriptions susceptibles à toutes les interprétations. Nous soulignons qu’aucune retranscription n’à été faite à la légère, toute modification suit une analyse des conventions phonétiques de tel-ou-tel auteur et d’une connaissance du parler provenant d’ailleurs que leurs œuvres. Nous restons – bien entendu – toujours ouverts à des contestations aux retranscriptions basés sur de nouveaux preuves. Pour l’étendue de la retranscription nous avons peché par modération plus que par excès, laissant certaines incohérences du fait que nous ne pouvions pas revenir sur certains traits phonétiques d’un parler que nous ne pouvions pas contrôler autrement que par le témoignage de l’auteur en question. Il en va autrement des prononciations qu’on peut contrôler soit par enregistrements, soit par une connaissance direct du parler. Et si nous sommes pleinement conscients qu’une transcription phonétique ne peut prétendre à une finalité scientifique et que toute transcription phonétique est à un certain degré une approximation dont certains éléments sonts ouverts à d’autres interprétations, notre démarche d’essayer de cerner une réalité phonétique aussi précisément que possible en conventions phonétiques est tout à fait fondamentale pour notre projet qui a pour but de décrire la variété des prononciations du breton au niveau des communes.
Tout cela dit, le besoin d’enregistrements vocaux des prononciations des toponymes n’est pas d’une nécessité absolue pour les besoins du HLBI, vu que certains informateurs – tout en étant contents de participer à une enquête toponymique – refuseront net d’être enregistrés. Il y a plusieurs raisons possibles pour des tels refus mais il faut – bien sûr – respecter ces refus à tout moment tout en acceptant de recueillir de ces mêmes informateurs des prononciations sans pouvoir les enregistrer vu l’éventualité très probable que seul cet informateur connaît certains toponymes ou emploit certaines prononciations ‘intéressantes’. Cette politique qui pourrait être interprété comme laxiste reflète non seulement un impératif pratique lié à un collectage des prononciations qui se veut complète, mais reflète aussi le fait que certaines prononciations – en raison des caprices du temps qui découle – ne nous sont plus accessibles qu’à travers des transcriptions phonétiques ou mimétiques écrites, avec tous les aléas imaginables que des tels témoignages peuvent comporter. Mais plus que cela, l’accord d’une pré-éminence à une prononciation enregistrée non-représentative au détriment d’une prononciation représentative mais non dotée d’un enregistrement risque de fausser l’analyse de la réalité, puisqu’une prononciation enregistrée au cours d’une entrevue avec un ‘étranger’ risque de ne pas etre aussi naturelle qu’une prononciation entendue dans une conversation libre entre des vieilles connaissances, circonstances qui sont moins souvent enregistrées. Le danger d’accorder toujours la pré-éminence aux prononciations enregistrées comme principe méthodologique inflexible m’est apparu en conversation avec un chercheur qui avait adopté ˈpo͂∙vəl comme prononciation bretonne de Plounévézel et justifiait cette prononciation basé sur un enregistrement qu’il avait pu faire dans cette commune sans vouloir accorder aucune pré-éminence à la prononciation po͂nˈvɛl qui est la seule que je connaisse en tant que bretonnant ‘fils’ de cette commune depuis plus d’un demi-siècle. La prononciation du n comme s’il s’agissait d’un simple nasalisation ñ est bien sûr une mauvaise lecture de ce qui s’écrit souvent Ponvel comme sur les plaques posés à l’entrée du bourg jusqu’à ces derniers années (et d’ailleurs j’écris Ponvêll justement pour noter l’effondrement du –eƶe– d’origine et la place de l’accent en position finale dans ce toponyme). Cette foi en la fiabilité du témoignage enregistré au dépens de ce qui est manifestement la prononciation habituelle du toponyme me semblait présager le monde à l’envers qui est un peu le sort du breton comme langue qui a perdu ses ancrages sociétaux. La collecte d’exemples de breton oral par moyens audios s’est multiplié d’une manière presque exponentielle depuis les années 1950, dû à la valorisation croissante de cette langue et à l’améloriation sans ambages des méthodes techniques pour procéder à des enregistrements sonores (magnétophone classique > enregistreur de cassette > enregistreur numérique, le tout accompagné d’une miniaturisation progressive et d’une affranchissement des cables d’alimentation souvent encombrantes). Tout en appréciant la multiplication d’enregistrements du breton parlé dans ces dernières décennies on ne doit pas perdre de vue que l’accroissement du corpus du breton oral enregistré coïncide avec l’interférence grandissante du français et des formes littéraires du breton sur le breton parlé (surtout quand les locuteurs sont conscients qu’ils sont enregistrés), ce qui peut – bien sûr – amener a des fausses analyses sur l’emploi ou non de tel trait linguistique dans le breton traditionnel.
Un collaborateur très soucieux de la qualité de ses enregistrements en vue de les faire accessibles sur des plateformes multimédia accorde une priorité à des conditions d’enregistrements aussi ‘parfaits’ que possible – aussi souhaitable que ce l’est – ne pensera peut-etre pas que dans la quête des prononciations des toponymes on doit assez souvent supporter des compromis avec des conditions moins que parfaits pour l’enregistrement des sons. Cette nécessité de compromis pour ce qui est de la qualité du son provient du fait que contrairement à d’autre aspects de la langue bretonne nous nous trouvons à la recherche d’informations beaucoup plus rares quand nous cherchons la prononciation d’un toponyme plutôt que celle d’un mot. Une grande quantité de mots communs sont courants chez la population bretonnante tandis qu’un nom de lieu est forcément connu que d’un petit nombre de personnes habitant une localité bien restreints, et à vrai dire certains noms de lieux sont parfois connus que d’une seule personne. Dans ces circonstances on ne devrait pas badiner trop avec les préférences d’un informateur pour le lieu de l’entrevue puisque les contrarier pour ces raisons risque de gacher la fluidité d’un entrevue qui cherche justement à capter le parler naturel. Il se peut que l’entrevue enregistré se fasse dans une cuisine ou il y a d’autres personnes préoccupées à continuer leur train-train quotidien, ce type de situation est d’autant plus probable en interrogeant des vieilles personnes résidentes dans une maison de retraite. Nous avons montré, ci-dessus, qu’il était parfois important pour mener une enquete efficace d’enregistrer les informateurs au cours d’une promenade en voiture. Même en parant contre tous ces sons ‘parasitiques’ nous ne nous assurons pas une collecte irréprochable de données toponymiques et s’il est sur que la qualité du son enregistré y perdera, il est aussi sur que le naturel des données recueillies y gagnera. Quoi qu’il en soit, chaque chercheur fera comme ils pourra au gré de leurs dispositions et suivant la conjoncture particulière de chaque rencontre et le tempérament particulier de chaque informateur, mais ne nous laissons pas nous berner : le plus qu’on dérange un informateur de leur routine habituelle le moins l’on gagne en spontanéité. Dans l’optique de la méthode des ‘ratissages’ successives – que nous privilégions pour le collectage oral de toponymes – et qui exige au moins une visite de retour pour suppléer les manques du premier entrevue, le fait que certaines prononciations ne seront pas satisfaisantes plus tard à l’écoute des enregistrements faites dans des circonstances imparfaites constituent un résultat beaucoup moins calamiteux qu’on pourrait y penser à premier abord puisque on devrait pouvoir facilement y retourner pour suppléer quelques défauts d’enregistrement.
Vu le nombre de collaborateurs à la collecte du HLBI et la variabilité des autres sources diverses pour la prononciation des toponymes bretons, on ne peut qu’admettre que l’élaboration d’une collection exhaustive des prononciations traditionnelles de toponymes en breton doit s’accommoder à l’existence d’une variabilité manifeste dans la qualité des témoignages recueillis.
POSTÉ juillet 2019 (révisée 2021).
Notes
↑1 | Ces estimations sont basées sur le nombre de toponymes recueillis dans les listes de toponymes de l’INSEE datant des années 1950, des chiffres qui représentent une sous-estimation d’au moins 10% par rapport aux toponymes recueillis de multiples sources. |
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