Si les microtoponymes nous présentent une catégorisation qui tient surtout à un autre niveau d’échellement de la toponymie, les thalassonymes – toponymes de la mer et du littoral – constituent une catégorisation basée sur une nature environnementale tout autre que celle des toponymes terrestres. Environnement transitionnel, le littoral inclut ce qui ailleurs seraient des simples anoïconymes topographiques, buttes ou collines, mais leur importance comme amer ou point de mire est maritime plutôt que terrestre, ce qui – dans notre entendement – explique les nombreux promontoires sur la côte bretonne nommés Beg-ar-vir et Penn-ar-vir ‘pointe de (la) mire’. Pour les besoins du HLBI, les traits du littoral (estran, dunes, falaises, promontoires, estuaires, etc.) représentent des thalassonymes tout aussi bien que les toponymes plus purement maritimes (îlots, rochers, basses, baies, détroits, courants, etc.). Focaliser pour des raisons de logique sur le caractère thalassonymique ou pas de toponymes qui pourraient se trouver à cheval entre une application terrestre et une application maritime nous semble comme un leurre sans utilité pour les objectifs de notre projet. Notre définition de thalassonyme a des buts pratiques liés au collectage et aussi à l’emploi sociétal de cette catégorie de toponymes : les thalassonymes constituent les toponymes connus surtout des pêcheurs, des goémoniers et des autres usagers maritimes, en contraste avec les toponymes terrestres connus de la plus grande partie de la population bretonne, qui est elle terrestre. S’il a bien existé beaucoup de petits agriculteurs qui partageaient leur vie paysanne avec des activités purement maritimes comme la pêche, il n’en ressort pas moins que ces deux activités sont toujours considérées comme séparées par les hommes.
Particularités de la collecte des thalassonymes
Les thalassonymes contrastent beaucoup avec les toponymes terrestres qui ont joui de beaucoup de sources documentaires. Cela est surtout vrai pour les oïconymes (lieux habités) recensés sans cesse depuis le XVe siècle (du moins dans la documentation existante) par divers jursidictions officielles pour les besoins d’impots. Les anoïconymes (lieux non-habités) sont nettement moins bien documentés, mais se sont dotés d’une documentation remarquable avec la constitutions des cadastres communaux des le début du XIXe siècle, encore pour les besoins d’impots. La mer – du moins dans son détail – s’est soustrait des besoins administratives d’inventoriser sa surface sur la même échelle que la terre, et c’est surtout les besoins de la navigation qui a joué le rôle de moteur pour ce qui est de la constitution d’une cartographie servant les intérêts du commerce et de la guerre. Une des premières cartes détaillées des côtes du Morbihan et des iles morbihannaises – à notre connaissance – est celle titrée ‘Carte de Morbihan’ composée par un certain Le Grain en 1637. Cet individu porte un nom de famille connu sur les abords du Morbihan au XVIIe siècle – aussi sous sa forme plus bretonne de Le Gran – et nous concluons qu’il doit s’agir d’un autochtone du Golfe du Morbihan. Le contenu de sa carte montre une connaissance plutôt familier du breton puisqu’on trouve à plusieurs reprises les passages dénommés simplement traye – le passage d’Arradon-Île-aux-Moines et celui de Locmariaquer-Portnavalo – ou l’on reconnait trèh, la forme vannetaise du mot treyz ‘passage’ et les anses asséchées de Bemir et de Kerdual en La Trinité-sur-Mer étaient bien dénommés chtêr (KLT stêr) au XVIIe siècle (Ster Beamer, Ster Ϗdaul). Les cartes maritimes subséquentes, surtout l’œuvre de la Marine au temps des développements des ports de guerre et de commerce de Brest et de Lorient, sont nettement moins ‘bretons’ dans leur composition que la carte de Le Grain, mais de là à les caractériser de EXPAND
La collecte des thalassonymes au XXe siècle
Le besoin d’un collectage des thalassonymes bretons se fit plus tôt que celle des toponymes terrestres et ceci peut-être surtout à cause des agissements d’un individu assez hors du commun, Henri Dyèvre (1893-1982).
Critiques des collectes thalassonymiques
Comme pour les collectes des noms de lieux dans les communes, il est clair qu’un bon collecte se fait qu’après plusieurs ratissages.
Ce qui reste à faire concernant les thalassonymes bretons
Les priorités de la collectage des noms de lieux habités dans un tres court délai avant l’extinction des derniers représentants de la communauté bretonnante nous a empeché en tant que buts du HLBI de lancer une collecte méthodique des microtoponymes bretons (leur nombre est extraordinaire et leur disparition plus prononcé que ceux des lieux habités). Le fait que la plupart des thalassonymes s’apparentent à des microtoponymes maritimes nous empêche aussi – sauf dans certains cas très atypiques – à leur donner la priorité et nous nous limiterons à sélectionner un certain nombre de thalassonymes dans les études déjà faites. La carte inclue dans cet article ci-dessus permet d’entrevoir la situation des études thalassonymiques sur le littoral breton, et montre les faiblesses qui restent par secteurs du littoral.
POSTÉ novembre 2021.