7.00 Prémisses et principes touchant à l’orthographe des entrées du HLBI
D’emblée, il importe d’affirmer que les formes écrites utilisés ont été choisies avec beaucoup de réflexion : tout en étant cohérent sur un plan orthographique (basé sur les orthographes traditionnelles du KLT et du vannetais), tous les conventions orthographiques originales adoptées sont conçus pour qu’ils puissent refléter une partie de la variété intrinsèque du breton moderne et non pour accentuer la variation orthographique qui, elle, caractérise le breton écrit moderne. Les lecteurs – et non moins les bretonnants d’entre eux – seront sans doute surpris de constater des formes écrites inhabituelles pour nombre de noms de lieux. Ces surprises proviendront, sans doute, le plus souvent du peu de familiarité de ces lecteurs avec les usages bretons particuliers caractéristique à chaque contrée. Qu’ils se rassurent que les chercheurs aussi, au cours de leurs propections toponymiques, ont souvent été surpris par des formes insoupçonnées de noms de lieux bien qu’avec l’accumulation de données beaucoup de bizarreries s’avérent plutôt êtres des cohérences dialectales. Quand les lecteurs rencontreront des formes écrites contraires à leurs habitudes on espère qu’ils reflètent et apprécient les informations fournies avant de soubresauter hâtivement et négativement suivant seulement leur instinct. Du moins, voilà nos vœux en relevant le défi de la préservation de la tradition.
- Les formes indigènes employées par la population bretonnante plutôt que les formes communement écrites (français ou bretons) seront mis en évidence pour établir les entrés du HLBI. Ceci équivaudra le plus souvent à une forme en langue bretonne mais, là où une forme française est communément employée par les bretonnants, il n’y aura aucune tentative de bretonniser à tout prix contre les réalités locales.
- La forme des noms choisis tente de refléter une ‘vérité’ ethnologique de ce qu’était ces noms de lieux pour les bretonnants du XIXe et du XXe siècle sans se soucier trop d’une approche étymologique qui donnerait la part du roi aux caractères historiques plutôt qu’aux caractères contemporains vécus de ces noms de lieux. Nous voulons refléter le caractère du breton moderne du XIXe et du XXe siècles dans l’optique de ses variations dialectales sans se soucier des formes archaïques d’origine remontant souvent des siècles en arrière.
- La tradition orthographique bretonne est loin d’être uniforme. Pour représenter les noms de lieux on a penché du côté du conservatisme pour une orthographe qui refléterait la langue écrite traditionnelle de la première moitié du XXe siècle quand la société bretonnante restait encore vigoureuse. Nous avons écarté des orthographes récentes qui se sont voulus ‘transdialectales’ puisque ces orthographes sont, pour les besoins du HLBI, des pitres indicateurs mimétiques ayant pour dessein, entre autres, le déguisement de la variété dialectale vécue. 1L’adjectif ‵mimétique′ fait référence à une ‘phonétique’ basée sur une orthographe écrite d’une langue plutôt que sur des conventions scientifiques d’un alphabet phonétique comme l’API, qui lui seul mérite l’adjectif ‵phonétique′. Cette distinction entre ‵mimétique′ et ‵phonétique′ est utile dans la mesure où il nous permet de distinguer une représentation scientifique (phonétique) d’une représentation ‘amateure’ (mimétique) d’une même prononciation. Pour clarifier cette distinction voyez l’exemple suivant: le breton skoach s’écrira mimétiquement scouache en français, skuasch en allemand, squarsh en anglais, mais par contre, phonétiquement, s’écrira uniquement comme skwaʃ sans distinction de langue d’origine.
- Pour ceux qui sont familiers avec le breton écrit nous tentons, ici, d’expliquer, en grandes lignes, quelle est la nature des conventions orthographiques que nous avons choisi de suivre. Notre point de départ sont les standards dénommés KLT (1907) et vannetais (1902), le premier recouvrant le grand nord-ouest du domaine bretonnant et le deuxième recouvre le sud-est du même domaine. Ces standards sont strictement régionaux et basés sur les limites diocésaines qui font office de provinces dans la Basse Bretagne. 2Avec les changements de limites opérés sur les communes depuis la Révolution il se trouve que dans un cas particulier, une partie de la paroisse vannetaise de Rédéné fut attaché à la commune cornouaillaise de Quimperlé. Nous nous attachons à écrire les noms de lieux appartenant à la trève de St-David – jadis en Rédéné mais maintenant en Quimperlé – selon les règles vannetaises, ce qui veut dire que dans le HLBI nous trouverons la commune de Quimperlé divisée entre deux tomes : le gros de la commune (côté Cornouaille) dans le tome 32, et la trève de St-David (côté vannetais) dans le tome 35. Le domaine du bas-vannetais aura quelques conventions écrites différentes du reste du vannetais, puisant son modèle dans le Katekiz Eskopti Kemper Skriwet e Brehonek Kanton Arzano de 1891 (en premier lieu la reconnaissance des graphèmes pour la diphtongue aou et la voyelle eu).
Le respect de cette dualité traditionnelle nous contraint de respecter quelques variations orthographiques qui en vérité ne reflétent pas de différence de langue (par exemple le non-usage des graphèmes w et de c’h en vannetais). Et bien qu’on s’est efforcé d’adhérer aux conventions traditionnelles nous nous sommes permis d’améliorer leur portée mimétique en incluant partout: (1) la version sonore des consonnes appariées plutôt que la version sourde, comme le prônait l’orthographe dite universitaire de François Falc’hun (1955); (2) d’ecrire y là où le i n’est pas syllabique plutôt que la solution plus laborieuse d’indiquer un i syllabique par un tréma ï; (3) d’écrire gh et dh là où ces fricatives sonores historiques – non-reconnus des orthographes littéraires – ont perdurés. Avec l’exception la dernière catégorie où il y a tous les justifications nécessaires (historiques, phonétiques), nous nous sommes refusés à trop dérouter les lecteurs en ‘inventant’ des nouvelles graphèmes.
Il faut faire un dernière mis-en-point : bien que les conventions des lettres employées par le HLBI pour écrire les noms de lieux breton sont presque tous traditionnelles, il en va autrement des diacritiques. Là on s’est permis d’innover pour permettre de mieux cerner la prononciation. Le placement de diacritiques s’est fait tout en ayant conscience que c’est le destin de tout diacritique d’être négligé.
- Il faut bien se mettre dans la tête que nous ne prétendons pas avec le HLBI instituer une forme unique écrite autorisé pour chaque nom de lieu breton; cela s’avèrerait un objectif chimérique vu les débats incessants sur l’orthographe bretonne sans compter les débats ultérieurs sur l’étymologie de beaucoup ces noms. En plus de faire connaître une forme orale vécue des noms de lieux bretons, représentatif du véritable breton moderne plutôt que d’efforts engagés et contestés de créer un breton écrit uniforme, notre but est de faire visible au lecteurs la variété du breton traditionnel et nous voulons qu’ils reflechissent sur le pourquoi d’une choix d’écriture plutôt que de désapprouver et de critiquer instinctivement des formes qui ne sont en somme que le reflet d’un breton qui ne leur est pas familier. 3Les auteurs du HLBI tout comme les lecteurs sont visés par cette dernière phrase. Je crois bien pouvoir faire pareil déclaration en tant que cinquantenaire bretonnant de souche étant que je ne cesse de découvrir beaucoup de traits nouveaux (pour moi) du breton dans des dialectes assez proches, étant mêmes déconcertants pour ce qui est de ma variété de breton. Et, assez paradoxalement, peut-être, la prolifération des variantes mis en évidence par le HLBI pourrait aussi bien convaincre certains de la nécessité de freiner la fragmentation du breton écrit plutôt que de le favoriser. Il y a plusieurs facteurs qui régissent le caractère du breton qui s’écrit : on peut penser aux exigences différentes qui déterminent l’uniformité pour des textes écoliers et la variété pour des pièces dramatiques où la langue orale et dialectale est mis en exergue. Nous pensons que les conventions choisis pour les noms de lieux s’avéreront utiles pour tous ceux qui voudraient des directions pour mieux refléter en écriture la langue orale.
- Si l’objectif du HLBI d’écrire les noms de lieux d’après des traits régionaux peut paraître une gageure disproportionnée qui demande un travail disproportionné pour établir des formes bretonnes pour les noms de lieux, il n’en reste que c’est un objectif et un effort de plus qui permet de s’assurer qu’un sérieux effort a été fait pour récolter les prononciations traditionnelles authentiques plutôt qu’une normalisation dialectale qui serait basée sur des a prioris.
Notes
↑1 | L’adjectif ‵mimétique′ fait référence à une ‘phonétique’ basée sur une orthographe écrite d’une langue plutôt que sur des conventions scientifiques d’un alphabet phonétique comme l’API, qui lui seul mérite l’adjectif ‵phonétique′. Cette distinction entre ‵mimétique′ et ‵phonétique′ est utile dans la mesure où il nous permet de distinguer une représentation scientifique (phonétique) d’une représentation ‘amateure’ (mimétique) d’une même prononciation. Pour clarifier cette distinction voyez l’exemple suivant: le breton skoach s’écrira mimétiquement scouache en français, skuasch en allemand, squarsh en anglais, mais par contre, phonétiquement, s’écrira uniquement comme skwaʃ sans distinction de langue d’origine. |
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↑2 | Avec les changements de limites opérés sur les communes depuis la Révolution il se trouve que dans un cas particulier, une partie de la paroisse vannetaise de Rédéné fut attaché à la commune cornouaillaise de Quimperlé. Nous nous attachons à écrire les noms de lieux appartenant à la trève de St-David – jadis en Rédéné mais maintenant en Quimperlé – selon les règles vannetaises, ce qui veut dire que dans le HLBI nous trouverons la commune de Quimperlé divisée entre deux tomes : le gros de la commune (côté Cornouaille) dans le tome 32, et la trève de St-David (côté vannetais) dans le tome 35. |
↑3 | Les auteurs du HLBI tout comme les lecteurs sont visés par cette dernière phrase. Je crois bien pouvoir faire pareil déclaration en tant que cinquantenaire bretonnant de souche étant que je ne cesse de découvrir beaucoup de traits nouveaux (pour moi) du breton dans des dialectes assez proches, étant mêmes déconcertants pour ce qui est de ma variété de breton. |