Définition des rhotiques
Il semblerait que le lien qui rassemble la multitude de sons variables que nous designons rhotiques est leur provenance à l’origine d’une vibration apicale de la langue qui se transcrit [r]. Il est un fait que les descriptions standard des ‘grandes’ langues donnent le plus souvent dans leurs dictionnaires la transcription phonologique /r/ (mais cela mise entre crochets, [], ce qui suggèrerait trompeusement qu’il s’agirait une transcription phonetique …). Donc on trouve communément :
- [r] dans les dictionnaires anglais pour ce qui devrait etre [ɹ] ;
- [r] dans les dictionnaires français et allemands pour ce qui devrait etre [ʁ].
Il en est de même dans les dictionnaires bretons sauf que l’emploi de la réalisation [r] est plus justifiée étant que ce son est présent dans la plus grande partie du pays bretonnant. Toutefois, il est clair en même temps que les réalisations fricatives ont commencées à prendre le dessus partout dans le pays bretonnant depuis au moins les années 1920. Mais, si la symbole phonétique [r] est acceptable pour le breton dans le contexte de buts prescriptifs de pédagogie, il est navrant de constater qu’il est par beaucoup trop présent dans des descriptions dialectales du breton de parlers où des variantes fricatives ou rétroflexes prédominent, ce qui fait que maintes descriptions du breton parlé donnent l’impression de l’omniprésence du [r] roulé alvéolaire quant il n’est en réalité, au plus, qu’ une variante retenue chez une partie des anciens (le biais vers des informateurs âgés dans les travux descriptivfs y joue son rôle aussi, bien entendu).
Le HLBI est forcé de faire emploi de cet convention ‘phonémique’ ou ‘phonologique’ du [r] pour représenter beaucoup de prononciations recueillies chez des informateurs qui ne l’employaient pas, simplement parce qu’on tire une partie non-négligeable de nos informations de listes de prononciations toponymiques transcrits en API (alphabet phonétique international) qui étaient déjà en circulation. Donc, tout en sachant que dans ces listes pré-existantes le [r] a sans doute souvent représenté, soit un [ɻ], soit un [ʁ], soit un [ɣ], soit un [ꝛ], soit un [x], soit un [χ], etc., chez les informateurs, nous avons conservé la réalisation [r] provenant de telles listes pré-existantes dans les listes toponymiques des tomes publiés du HLBI. Bien sûr, ce n’est pas une situation parfaite, car nous voulons pour le HLBI une transcription relativement étroite qui serait représentatif du breton réellement entendu chez les informateurs, mais du moins ces transcriptions ne sont pas absolument fausses dans la mesure qu’ils représentent au moins des prononciations qu’on aurait pu entendre. Donc, face-à-face à des listes de prononciations toponymiques recueillies sous la houle du HLBI qui avaient le souci de fournir une transcription étroite, nous avons dû nous contenter de faire utilisation de listes de prononciatiosn toponymiques avec transcriptions larges en ce qui regardait la qualité du r. Ce n’est que dans une zone constituant le noyau de la Cornouaille (voir sous 6.16) que nous nous sommes aventurés à généraliser des transcriptions non-rhotiques en dépit de listes ou de sources écrites pré-existantes qui indiquaient [r], puisque dans cette zone nous savions que les prononciations rhotiques avec r-roulés n’existaient pas du tout là dans langue usuelle. (Nous avons suivi cette démarche vis-à-vis les transcriptions phonétiques provenant de telles sources d’une façon très prudente, en se bornant aux communes qui étaient incontestablement dépouvues de [r] dans le registre usuel de leur breton). Les lecteurs sont donc avertis par ces qualifications des limites de cet aspect des transcriptions phonétiques que le HLBI peut offrir.
L’affaiblissement : facteur de génération des variations rhotiques.
La prononciation du r est bien connu pour ses variations, dans maintes langues, ainsi que dans le breton. La raison que le r montre tellement de variabilité tient du fait qu’il est un des seuls sons de langage qui demande une action mouvante, à savoir, la vibration précise de la pointe du langue. Cette action mouvante demande de l’adresse, et il est fait courant que dans les langues qui possèdent le r-roulé alvéolaire (on dit aussi r-apical) il est commun que ce son se maîtrise moins facilement et moins précocément chez les enfants (voire jamais chez certains individus devenus adultes). La difficulté inhérente de la production articulatoire du r-roulé alvéolaire explique le grand nombre de déviations phonétiques qu’on trouve pour le r, qui en général proviennent d’un facteur déterminant : l’affaiblissement de la vibration. L’affaiblissement par la diminution du degré de la vibration finit donc toujours par des sons qui ne sont plus proprement rhotiques. On peut illustrer cet affaiblissement des r-roulés en termes concrets comme suit :
La diminution de la vibration mène à l’ ‵affaiblissement′ progressive des rhotiques :
- les rhotiques alvéolaires, progressant de [rr] vibration apical > *[r] battement apical > *[ɾ] approximante apicale ;
- la rhotique uvulaire, progressant de [ʀ] vibration uvulaire > [ʁ] fricatif uvulaire ;
Une complication : la diminution de l’apicalité – c.-à-d. de l’emploi de la pointe de la langue – mène aussi à l’ ‵affaiblissement′ progressive des rhotiques par voie du recourbement progressive de la pointe de la langue, dit mouvement ‵rétroflexe′ :
- les ‘rhotiques’ post-alvéolaires rétroflexes, progressant de *[r] battement apical (alvéolaire) > [ɽ] battement rétroflexe > *[ɹ] peu rétroflexe > [ɻ] très rétroflexe.
Notre analyse de certaines de ces symboles phonétiques reste tentative, surtout puisqu’il ne peut y avoir aucune doute qu’une description phonétique compréhensive des rhotiques qui corresponderait à des réalisations communes qui se produisent dans les langues manque à la science phonétique. Il existe donc beaucoup d’exemples auditifs illustratifs qui sont trompeurs. Il importe qu’on fournit quelques remarques sur les symboles phonétiques ci-dessus qui sont marquées par un astérisque :
- [r] se transcrit officiellement [ɾ] en API. Quelque soit la différence qualitative qu’il pourrait y avoir entre [rr] et [r], nous nous tenons à la différence quantitative de durée entre ces deux sons (comme avec d’autres consonnes) ;
- [ɾ] sert bien pour l’approximante apicale (alvéolaire) qui se transcrit officellement [ɹ] en API (symbole que nous restreignons pour le [ɹ̱] de l’API) ;
- [ɹ] sert bien pour transcrire l’approximante post-alvéolaire de l’anglais standard qui ne peut se transcrire que gauchement suivant l’API officiel, comme [ɹ̱] avec un Notez que le son anglais possede une “légère rétroflexion de la pointe / slight retroflexion of the tip” selon la description ‘commandante’ (authoritative) de Cruttenden [2001: 206] ce qui le rapproche intuitivement du [ɻ] dit ‵rétroflexe′. Nous pensons qu’il est mieux de comprendre le [ɹ] de l’anglais standard (américain aussi bien que britannique) comme ‵peu rétroflexe′ en opposition au [ɻ] ‵très rétroflexe′ de certains dialectes brittaniques et américains.
Bien sûr, les linguistes et phonéticiens ne seront pas tous prêts à adopter nos conventions, et même nous nous reservons quelques appréhensions concernant certains aspects de ce que nous présentons ci-dessus (le portrait dressé est sûrement incomplet). Toutefois, cette analyse représente notre meilleure interprétation de la relation des variantes rhotiques les unes avec les autres en ce moment en 2022 (Précisons que nous n’avons abordé que les sons rhotiques qui nous sont connus dans certaines langues qui nous sont familières, à savoir : le gallois, le gaélique (irlandais & écossais), l’anglais (britannique, américain, irlandais, écossais), le suédois, l’allemand, le breton, le français, le polonais).
Exemplifications des rhotiques en bretons
A COMPLÉTER
POSTÉ septembre 2022.