Pour ce qui est de la Haute-Bretagne nous savons que près de la moitié de ce territoire est purement romane de langue (pour l’essentiel, les diocèses médiévaux de Rennes et de Nantes). Le territoire intermédiaire (pour l’essentiel, au nord, les diocèses médiévaux de Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol ; et, au sud, l’extrémité orientale du diocèse de Vannes) constituait la partie est de la Bretagne d’origine, datant du début du haut Moyen Âge et qui précéda les conquêtes bretonnes du IXe et Xe siècles qui formèrent le Duché de Bretagne du bas Moyen Âge.1Le souvenir de cette Bretagne historique des origines – qui correspondait mieux à la péninsule armoricaine qui s’étendait à l’ouest d’une ligne joignant le Mont-Saint-Michel au nord à l’embouchure de la Vilaine au sud – s’est perduré dans le pélérinage médiéval nommée Tro Vreiz ‘le tour de la Bretagne’. Ce pélérinage breton par excellence incluait les sept diocèses bretonnes d’origine mais pas les deux diocèses de Rennes et de Nantes dont le statut d’origine était des territoires annexés de Gaule par les dirigeants Bretons. Les restes toponymiques attestant le caractère bretonnant de ce Bretagne d’origine jadis bretonnant durant la période médiévale est plus manifeste au niveau des noms de paroisses et de communes, mais pour ce qui est de la toponymie des lieux habités il l’est moins, beaucoup moins, que 50% des toponymes dans toute cette zone, et même moins de 20% sur la moitié de ce territoire. La calculation des pourcentages d’origine linguistique des toponymes est problématique, dépendant de la façon dont les toponymes sont inventoriés. Nous avons suivi – avec précaution, mais non sans un regard critique – les pourcentages obtenus par Jean-Yves Le Moing (1990: 9) pour ce qui est de la toponymie haute-bretonne, néanmoins on remarquera que le pourcentage plus élevé de noms d’origine bretonne dans la partie sud du Bretagne d’origine jadis bretonnant semble correspondre à une densité toponymique plus poussée de l’espace géographique dans la partie nord de ce même Bretagne d’origine (Le Moing 1990: 445), ce qui suggèrerait à priori que l’habitat humain s’est multiplié plus au nord qu’au sud de la Bretagne d’origine (jadis bretonnant) depuis le Moyen Âge tardif, après le changement linguistique du breton au français et qu’en conclusion on peut se permettre de supposer que la bretonnitude des deux régions n’était pas singulièrement différente au XIIe siècle.
À un moment donné au cours du bas Moyen Âge, peut-être à la suite de la fondation bretonne de la monastère de Redon en 832 et les victoires des dirigeants bretons au milieu de ce même siècle, il y eut un débordement éthnique des populations bretonnes hors de la limite politique de la Bretagne d’orgine qui était établie sur le cours inférieur de la Vilaine, pour coloniser les districts de Guérande, de Pontchâteau, de Blain et de Guéméné-Penfao dans le nord-ouest du diocèse de Nantes ainsi que l’extrémité sud-ouest du diocèse de Rennes autour de Messac (Ille-et-Vilaine). Il se peut que la région maritime de Guérande, située à l’ouest de la vaste étendue marécageuse de la Brière, abrité de la convoitise du pouvoir franc, ait pu voir des colonisations bretonnes plus anciennes que celles que nous postulons pour le IXe siècle, et qu’ils remontent en arrière comme suites à la première conquête bretonne du pays vannetais au cours du VIe siècle. Quoi qu’il en soit de ces hypothèses à peine étayées, dans le nord-ouest nantais pleinement accessible au monde franc et romane du reste de la Gaule, nous trouvons des pourcentages de toponymes d’origine bretonne semblables à celles qui caractérisent le sud de la Bretagne d’origine jadis bretonnant située au nord de la Vilaine.
En conclusion, et sans nous soucier du pourcentage précis de toponymes bretons ni de l’histoire des populations bretonnantes dans tout ce pays jadis bretonnant, situé entre la Loire et la Manche, il est évident que nous ne pouvons pas prétendre restituer partout des formes contemporaines traditionnelles à la toponymie bretonne de ces contrées de Haute-Bretagne où la toponymie représente au moins 600 ans d’expériences communales non-bretonnes (puisque nous postulons une francisation plus ou moins généralisée dans ces régions vers 1400 de notre Ère). Bien sûr on peut se laiser à bretonniser des toponymes allogènes, mais le parcours restera toujours piègé tant les étymologies de beaucoup de toponymes sont ni évidentes ni réalisables. Nous ne pouvons donc pas prétendre restaurer des véritables et authentiques formes bretonnes de ces toponymes comme nous le faisons pour la Basse-Bretagne par le biais du projet du HLBI là où nous avons toujours le témoignage oral (et même écrit) des populations bretonnantes. Le travail toponomastique de ces régions jadis bretonnantes à l’est de la Basse-Bretagne reste donc à faire,2Nous ne pouvons pas passer sous silence le formidable travail de documentation et d’élucidation étymologique de Bertand Luçon (2017) sur la toponymie bretonne du Pays nantais. Nous voulons aussi attirer l’attention des lecteurs sur le travail de collectage de toponymes avec leur prononciation locale faites dans le Pays gallo a Saint-Martin-sur-Oust en 2008 sous l’égide de l’institut Chubri, bien que les prononciations locales romanes en Pays gallo fourniront moins d’indices utiles à l’étymologie des toponymes d’origine bretonne, mais voila bien un raisonnement qui tient d’un parti-pris breton-celtique, au fond la tradition gallèse ou francaise à les mêmes mérites que la tradition bretonne. ; cela dit, l’étymologie bien sûr est loin d’être la seule considération pour les études toponomastiques. Déclarons à nouveau que seule une approche compréhensive de la collection et l’élucidation des toponymes dans leur contexte géographique proche – sans préférence pour quelconque époque ou quelconque langue présent au dépens d’une autre – peut prétendre constituer une base de la toponomastique comme science méthodique sérieuse ; la toponomastique ne devrait jamais se borner seulement à être un simple exercice d’étymologie. mais on ne peut pas profiter au même degré de l’apport des témoignages oraux dans une entreprise toponomastique comme on le fait avec le HLBI pour cause de changement de langue intervenu depuis l’apparition des toponymes bretons et c’est pourquoi que nous n’étudions pas la toponymie de la Haute-Bretagne méthodiquement pour en venir à des conclusions vis-à-vis la toponymie celtique en langue bretonne.
POSTÉ mars 2022.
Notes
↑1 | Le souvenir de cette Bretagne historique des origines – qui correspondait mieux à la péninsule armoricaine qui s’étendait à l’ouest d’une ligne joignant le Mont-Saint-Michel au nord à l’embouchure de la Vilaine au sud – s’est perduré dans le pélérinage médiéval nommée Tro Vreiz ‘le tour de la Bretagne’. Ce pélérinage breton par excellence incluait les sept diocèses bretonnes d’origine mais pas les deux diocèses de Rennes et de Nantes dont le statut d’origine était des territoires annexés de Gaule par les dirigeants Bretons. |
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↑2 | Nous ne pouvons pas passer sous silence le formidable travail de documentation et d’élucidation étymologique de Bertand Luçon (2017) sur la toponymie bretonne du Pays nantais. Nous voulons aussi attirer l’attention des lecteurs sur le travail de collectage de toponymes avec leur prononciation locale faites dans le Pays gallo a Saint-Martin-sur-Oust en 2008 sous l’égide de l’institut Chubri, bien que les prononciations locales romanes en Pays gallo fourniront moins d’indices utiles à l’étymologie des toponymes d’origine bretonne, mais voila bien un raisonnement qui tient d’un parti-pris breton-celtique, au fond la tradition gallèse ou francaise à les mêmes mérites que la tradition bretonne. ; cela dit, l’étymologie bien sûr est loin d’être la seule considération pour les études toponomastiques. Déclarons à nouveau que seule une approche compréhensive de la collection et l’élucidation des toponymes dans leur contexte géographique proche – sans préférence pour quelconque époque ou quelconque langue présent au dépens d’une autre – peut prétendre constituer une base de la toponomastique comme science méthodique sérieuse ; la toponomastique ne devrait jamais se borner seulement à être un simple exercice d’étymologie. |