En plus d’une collecte des prononciations et des formes écrites attestées, le but du HLBI est de présenter les noms de lieux de l’ouest breton dans une forme que les locuteurs bretons de tradition – qui les emploient – pourraient les reconnaîtres. Cela implique d’un côté, une forme bretonne moderne plutôt qu’une forme désuète qu’on trouverait dans les formes officielles de la toponymie, et, de l’autre côté, une forme bretonne familière (régionale ou du pays) plutôt qu’une forme simplement calquée sur celle des mots contenus dans les dictionnaires littéraires moderne.
Ce but assez simple se heurte à deux complications majeures : (1) l’existence de deux aires de systèmes orthographiques (une binarité traditionnelle bretonne) ; (2) le degré de mimétisme à choisir (voir 7.06 Degrés de mimétisme).
Aires orthographiques
Pour le premier, il a été choisi d’employer deux systèmes orthographiques cantonnés dans des zones exclusives, répondant largement au standard KLT des diocèses de Cornouaille, Léon, Tréguier, d’un côté, et au standard vannetais de l’autre. Ces standards étant largement incontestés dans la première moitié du XXe siècle au temps où il y avait toujours une population bretonnante majoritaire dans la Basse Bretagne. Le choix d’un système orthographique se voulant transdialectal (le ZH de 1941 et le SS de 1975) et qui pour cela se sont modifiés en maintes respects dans la direction du breton du moyen âge a été évité puisqu’ils éloignent la langue écrite du breton parlée moderne (nous ne parlons pas ici du breton d’apprenants). Dans la conjoncture historique où elles se sont trouvées, ces deux orthographies nouvelles transdialectales ont étés conçues comme des outils pour servir les non-bretonnants à acquérir une forme basique de la langue plutôt qu’un outil pour décrire la richesse de la langue traditionnelle comme elle a été (et l’est toujours qu moment où nous écrivons ces mots).
En présentant aux lecteurs des formes issues de deux aires orthographiques qui se contredisent sur certains points nous sommes pleinement conscients qu’il y a un certain manque de cohérence. Nonobstant cela, c’est bien ces deux standards régionaux qui faisaient autorité quand le breton était la langue de la société. Nous ne pretendons pas, d’ailleurs, donner les seules formes correctes possibles. Nous sommes assez savants sur le sujet de la toponymie pour comprendre qu’il n’y a pas une seule forme ‘correcte’ pour la plupart des noms de lieux bretons, mais que cela dépend de plusieurs facteurs et qu’en conséquence la notion de ‘correctitude’ est beaucoup plus nuancée, plus souple qu’un dichotomie simplificatrice de ‘mauvaise forme’ opposant ‘bonne forme’.
Ayant pris le KLT de 1907 et le vannetais de 1902 comme nos points de départs pour ce qui est de l’écriture du breton il importe de faire comprendre aux lecteurs que nous n’avons pas hésités à modifier ces systèmes orthographiques sur certains points surtout en adoptant le bon sens de la notation des consonnes finales apportés par le chanoine François Falc’hun en 1955 dans l’orthographie dite ‘universitaire’ (mais concurremment pas l’emploi systématique en KLT de la lettre h pour c’h parce qu’en l’absence de tout autre convention graphique la notation c’h reste une graphie indispensable pour représenter certains dialectes là où il se trouve).
Formes des entrées et formes référentielles
Si les deux systèmes orthographiques traditionnels du KLT et du vannetais (légèrement modifiés) seront employés pour transcrire les noms de lieux dans leurs territoires respectives, pour l’analyse la forme réferentielle d’un mot ou d’un nom personne restera le KLT modifié. Cela pour la raison pratique que ces formes référentielles corresponderont le plus possible aux formes trouvées dans les dictionnaires de breton les plus courants pour que les lecteurs curieux pourront lire plus d’informations sur le mot. Il est vrai que cette décision pour la forme référentielle engendre des inconvenients majeurs dont le plus évident sera de faire penser que la forme vannetaise standard ou dialectale paraîtra être dérivée de la forme référentielle KLT ce qui serait une fausse interprétation de ce que représente la forme référentielle. Pour donner un exemple commun:
- diverses formes régionales comme newe, neo, neùe, neùi ‘neuf’ ne proviennent pas de neveƶ, la forme réferentielle, mais d’une forme plus ancienne de ce mot qui ne contenait ni v ni z mais les sons qu’on trouve toujours dans le mot gallois apparenté (newydd ‘nouveau’).
Pour certains noms de personnes, la forme référentielle de l’analyse sera précédée d’un astérisque pour signaler une forme référentielle qui représente un ancêtre des variantes régulières du breton moderne, ainsi :
- les diverses formes Tual, Tudal, du même nom de personne, seront reportées à une forme écrite hypothétique d’origine *Tudwal (une forme antérieure représentée fautivement par la cacographie traditionnelle Tugdual).
Pour un nombre restreint de noms de mots, la forme référentielle de l’analyse ne sera pas précédée d’un astérisque quand bien même il ne s’accordera pas avec la forme la plus connue du breton littéraire moderne. Pour donner des exemples:
- les diverses formes moger, magor, mañgoer ‘mur, ruines’ seront reportés à une forme écrite moins connue mais plus régulière magor.
- la forme metêrn ‘chef-garant’ (vx-br. machtiern), seule forme moderne attestée dans la toponymie, sera reportée à une forme écrite hypothétique reconstituée mais plus régulière *metiern ;
- la forme marreg ‘chevalier’ (moy-br. marcheg, vx-br. marchoc), seule forme moderne attestée dans la toponymie, sera reportée à la forme littéraire marc’heg (qui semble influencé par dérivation du mot racine marc’h).
POSTÉ novembre 2017 (Iwan Wmffre).