Il existe beaucoup de tableaux phonétiques (parfois présentés dans des contextes phonémiques particuliers) qui demandent d’être corrigés parce que la personne enonçant les exemplifications des sons se trompe tout simplement ou, qui est plus souvent le cas, se permet d’employer les réalisations phonétiques qui lui sont familières plutôt que le son qui est en fait préscrit par la tradition ‘régionale’ de l’API (triste constat, mais réalité incontournable – et sans doute inévitable – en même temps : l’Alphabet Phonétique Internationale (API), voulu invariable, est sujet à des conventions d’utilisation qui sont le plus souvent liées à des traditions pédagogiques nationales ou mêmes supranationales que nous désignons génériquement de ‘régionale’ dans le contexte global). Nous nous attarderons que sur les instances d’inadéquation de son-graphie les plus trompeuses.
COMMENTAIRE: Cette classification phonémique des sons de l’anglais britannique (offerte par englishclub.com qu’on peut consulter séparément ici) demande beaucoup de corrections, surtout pour la partie vocalique.
- le /ʊ/ ici est clairement moins arrondi et plus centralisé que [ʊ] et doit être transcrit [ɵ] (ou si l’on préfère un diacritique de centralisation nous trancriverions [ʉ̈]). La réalisation [ɵ] pour la classe phonémique /ʊ/ s’est développé pour devenir majoritaire dans le sud-est de l’Angleterre avant la fin du XXe siècle.
- le /e/ ici est clairement plutôt [è] que [é].
- le /ɜː/ avec la symbole plutôt rédondante [ɜ], spécifique à l’école de phonétique anglaise britannique (qui était transcrit /əː/ avant 1962), est aussi bien transcrit /œː/.
- le /ɔː/ ici est clairement [òː] et non [ɔː]. La raison pour l’inadéquation son-graphie de [ò] pour [o] ici est due à une évolution toute particulière à l’anglais britannique due au fait que ce phonème – qui était effectivement prononcé [ɔː] en anglais standard du début du XXe siècle – a été en cours de migration vers [oː] durant ce siècle.
- le /æ/ ici est clairement ce que nous transcrivons [ᴀ] pour les besoins du HLBI (et qui correspond au phonème français /a/ qui est plus avancé que le phonème breton /a/). La raison pour l’inadéquation son-graphie de [æ] pour [ᴀ] (c.-à-d. ce qui se transcrit généralement [a]) ici est due à une évolution toute particulière à l’anglais britannique due au fait que ce phonème – qui était effectivement prononcé [æ] en anglais standard du début du XXe siècle – a été en cours de migration vers [a] durant ce siècle. Si l’anglais britannique prononce effectivement la classe phonémique /æ/ comme [a] de nos jours, l’anglais américain le prononce toujours comme [æ].
- le /ʌ/ ici est clairement [ɐ], c’est-à-dire un a-centralisé (parfois transcrit comme [ä]). La véritable qualité du [ʌ] de l’API correspond à un o-centralisé (parfois transcrit comme [ö]). La raison pour l’inadéquation son-graphie de /ʌ/ pour [ɐ] est due à une évolution particulière au sud-est de l’Angleterre qui a vu ce qui se prononçait effectivement [ə] au début du XXe siècle (provenant d’un [ʌ] avant cela) migrer vers la position du [a]. La tendance croissante d’une autre classe phonémique, celle du /æ/ à migrer vers [a] durant la même période à freiné la classe phonémique /ʌ/ au stade de [ɐ]. Dans le nord et l’ouest de l’Angleterre, ainsi que dans le Pays de Galles la prononciation instruite de la classe phonémique /ʌ/ est resté [ə]. La prononciation ‘claire’ de la classe phonémique comme [a] (contrairement au [ɐ] ‘centralisé’ des gens instruits) est considéré comme typique du peuple londonien, qui a toujours contenu une proportion non-négligeable de populations d’origine étrangère, et l’on sait à quel point la réalisation du [ə] accentué est difficile pour les non-anglophones qui le remplacent automatiquement par un [a] (Il est notable par contre, que tout en n’etant pas exacte, la prononciation typique française [œ] pour la classe phonémique anglaise /ʌ/ montre bien – et cela dès la fin du XIXe siècle – que les Français s’efforçaient de mimiquer la réalisation du [ə] et que le choix de /ʌ/ en 1918 pour la classe phonémique anglaise par Daniel Jones, le fondateur de l’école phonétique anglaise, relevait de la promotion d’une prononciation archaïsante [ʌ] plutôt que d’une préoccupation descriptive).
- le /ɑː/ici est clairement [a̙] (un [a] légèrement rétracté) ou – si l’on veut – un [ɑ̘] avancé. La réalisation propre du [ɑː] – s’approchant du [ɑː] du breton bigouden – existe aussi en anglais mais est plutôt archaïsante et associée avec la noblesse terrienne. Dans le nord et l’ouest de l’Angleterre, ainsi que dans le Pays de Galles la prononciation instruite de la classe phonémique /ɑː/ est resté [aː].
- le /ɒ/ est une innovation de graphie phonétique non nécessaire adopté par l’école de phonétique anglaise britannique depuis 1962 pour représenter ce qui se transcrivait adéquatement [ɔ] par eux avant cette période.
- le /ɔɪ/ ici est clairement [ò·j], plutôt que le [ɔj] que suggère la graphie /ɔɪ/ (en fait, la prononciation [ò·j] semble être une réalisation un peu moins représentative de l’Anglais britannique que ne l’est [ɔj]).
- le /əʊ/ ici est clairement [ow] (la réalisation [əw] à laquelle correspond mieux /əʊ/ est la prononciation instruite du sud-est de l’Angleterre ; il est considéré un peu trop raffinée par la majorité des Anglais).
- le /eə/ ici est clairement [ɛ·ə] mais représente une prononciation plutôt récessive de ce qui se prononce communément [ɛ·] en Angleterre et au Pays de Galles. Notez: Le son prononcé est un hiatisme plutôt qu’une diphtongue.
Notre analyse de l’orthographe phonémique de l’anglais, bien qu’indépendent, se recoupe dans ses grandes lignes dans un article de 2012 écrit par Geoff Lindsey, un des phonéticiens les plus rompus de l’anglais britannique.
POSTÉ mai 2022.