Trois grandes zones accentuationnelles
La bipartition accentuationnelle du breton est bien connue depuis le commencement des études sérieuses sur la dialectologie de cette langue dans le dernier quart du XIXe siècle. Cette bipartition se résume à trois dialectes majeurs à accentuation pénultième (les dialectes du Léon, Trégor, Cornouaille, dites dialectes KLT) et une dernier dialecte majeur au sud-est, dans le Vannetais, possédant une accentuation finale.
Figure 1 – KLT contre Haut-Vannetais
KLT accentuation pénultième | HV accentuation finale | |
DISYLLABES 1Exemples de pénultième [ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Poher) devëz, merën, banël, panër, horën. Exemples de finale [ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Languidic) dëùeh, mëlen, bonal, panér, halen. | ꞌ⁃ ⁃ | ⁃ ꞌ⁃ |
TRISYLLABES 2Exemples de pénultième [ ⁃ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Poher) chiminël, lagodënn, dimezëll, avalou aˈva·lʊ. Exemples de finale [ ⁃ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Languidic) chemenal ʃømøˈna·l, lëgodenn løgoˈdɛn, damëzell daməˈzɛl, avëleù ˌavəˈlœɥ. | ⁃ ꞌ⁃ ⁃ | ⁃ ⁃ ꞌ⁃ |
Mais cette division accentuationnelle du breton manque de souligner une zone intermédiaire (géographiquement et linguistiquement) assez étendue entre les deux principales configurations accentuationnelles ou l’accentuation varie.
Figure 2 – Zone Intermédiaire
ZIM accentuations pénultièmes & finales & initiales | |
DISYLLABES 3Exemples de pénultième [ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Fanch) devëz, melën, kosad (litt. kosaad), kanër, kalon, lapin. Exemples de finale [ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Fanch) ledân, zigâl, bonael (litt. banal), gwinêr, onôn (litt. unan), patô. | ꞌ⁃ ⁃ ~ ⁃ ꞌ⁃ |
TRISYLLABES 4Exemples de pénultième [ ⁃ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Fanch) ledanad (litt. ledanaad), bugale, intañvëz. Exemples de finale [ ⁃ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Fanch) kiminêr (litt. kemener), baradôz (litt. baradoz), vachěri (litt. fachiri). Exemples d’initiale [ ꞌ⁃ ⁃ ⁃ ] : (Fanch) gleuskěrëd, devějaou, parrŏuzaou, kalŏnad. | ⁃ ꞌ⁃ ⁃ ~ ⁃ ⁃ ꞌ⁃ ~ ꞌ⁃ ⁃ ⁃ |
On remarquera que la Zone Intermédiaire comporte des accentuations semblables à celles des deux grands blocs d’accentuation breton ainsi que des accentuations initiales inconnues ailleurs sur les polysyllabes de trois syllabes ou plus. Ces accentuations trisyllabiques ont – comme toutes les systèmes accentuationnelles polysyllabiques hors du KLT – un accent mélodique sur la syllabe finale en pause qui donne une coaccentuation que nous montrons ici par l’aide d’un accent aigu signifiant la montée de la mélodie ꞌ⁃ ⁃ ⁃́. La coaccentuation sur la syllabe initiale et finale font que la syllabe médiale est négligée du point de vue accentuelle et à tendance à se réduire et même de se amuïr. Nous employons le terme syncope pour designer ce type de réduction d’une syllabe médiale, ex. : le KLT typique brezoneg devient en pays Fanch breuzĕnëg et mêm breuznëg et la forme plus vannetaise brehoneg qu’on trouve dans l’est de l’Entre-Odet-et-Ellé se réduit de brehŏnëg à breŏnëg et même peut se désyncoper par coalescence pour donner une pure disyllabe breonëg. Dans les territoires de la ZIM qui se relèvent des diocèses KLT (et donc de l’orthographie KLT), nous avons adopté l’accent brève pour montrer mimétiquement ces voyelles qui se trouvent dans des syllabes médiales inaccentuées (syllabes syncopées), exx. : ă | ĕ | ĕu | ĭ | ŏ | ŏu | ŭ. On notera que le ĕ est ambigu, car si la plupart des exemples se prononcent effectivement comme un schwa [ə], on peut trouver [ɛ] syncopé aussi, ex. : Rhunĕlaou ˈxynɛlɔw (Langonnet). Pour montrer les accentuations finales inattendues, nous n’avons pas trouvé mieux que d’adopter l’accent circonflexe pour les voyelles longues (exx. Zant Tudâl zɑ͂ntyˈda·l en Senven-Léhart, Goahandrê gwahɑ͂nˈdre· en St-Nicolas-du-Pélem), ou un accent grave pour les voyelles courtes (ex. Pondiwànn po͂niˈwɑ͂n en Coadout). 5Le nombre d’exemples d’accentuations finales à voyelles courtes semble très restreint dans les pays de la ZIM (basé, du moins, sur notre connaissance des toponymes dans le Pays Fanch), sauf dans des exemples de coaccentuations de trisyllabes qui sont parfois réduites par syncope en disyllabes où l’accentuation finale ne représente pas l’accent intensif, mais l’accent (secondaire ?) mélodique. Dans tels exemples nous employerons l’accent grave pour marquer la préservation d’une qualité vocalique autrement perdu (exx. le trisyllabique an Dannhŏudèll ənˈdɑ͂nhudɛ́l et le syncopé Koed-ar-vaoudèll ˌkwɛdəˈvɔwdɛ́l, et le disyllabique kastell dans Koed-ar-hastell ˌkwɛdəˈhastɛ́l, tous en St-Nicolas-du-Pélem). En pays KLT l’accent intensif final sur une voyelle courte se trouve dans la coalescence de ïou [i·u] en you [ju] dans la Basse-Cornouaille plutôt que iou [iw] comme dans la plupart des pays KLT (ex. Kernyòu kɛꝛˈnju (Plonéour-Lanvern) pour ce qui serait Kerniou kɛꝛˈniw ailleurs en KLT, et qui ne saurait se confondre avec le pluriel commun kernyou ˈkɛꝛnjʊ ‘cornes’).
Pour une discussion plus détaillée quant à la délimitation de la Zone Intermédiaire, voir ici.
Certaines complications supplémentaires concernant l’accentuation
[À COMPLÉTER]
La force de l’accentuation
On a beau assimiler l’accentuation d’une langue vis-à-vis la position syllabique de la principale accentuation, mais il est aussi question de la force de l’accentuation. Pour le breton, la question de la force de l’accentuation reste une domaine mal étudiée, mais nous croyons pouvoir déclarer que le breton KLT du moins – et surtout la variante cornouaillaise – a une force d’accentuation plus nette qu’en français.
Il semblerait que les langues qui ont l’accent intensif comme leur principale accentuation (comme le breton KLT, l’anglais, et l’allemand, tous accentuées sur la syllabe pénultième) réalisent cette accentuation avec plus de force que ne fait le français. Ceci se voit dans la manière dont des locuteurs de ces langues prononcent le français. Commençons avec l’exemple du Prince Philip d’Angleterre (1921-2021) – qui maniait très bien le français – donnant un discours à l’Élysée en 1966.
- La tâche de cette association serait beaucoup plus facile si elle ne devait pas commencer par éliminer l’image d’après lequel les Anglais passent leur temps à boire du thé dans les maisons sans chauffage …
Cette ‘hyper-accentuation’ – du point de vue français – de certaines syllabes de la phrase n’est pas sans rappeler la façon dont plusieurs bretonnants dominants manient le français comme seconde langue (phénomène de moins en moins présent de nos jours à cause de la raréfaction des bretonnants dominants).
[À COMPLÉTER]
POSTÉ mars 2022.
Notes
↑1 | Exemples de pénultième [ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Poher) devëz, merën, banël, panër, horën. Exemples de finale [ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Languidic) dëùeh, mëlen, bonal, panér, halen. |
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↑2 | Exemples de pénultième [ ⁃ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Poher) chiminël, lagodënn, dimezëll, avalou aˈva·lʊ. Exemples de finale [ ⁃ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Languidic) chemenal ʃømøˈna·l, lëgodenn løgoˈdɛn, damëzell daməˈzɛl, avëleù ˌavəˈlœɥ. |
↑3 | Exemples de pénultième [ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Fanch) devëz, melën, kosad (litt. kosaad), kanër, kalon, lapin. Exemples de finale [ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Fanch) ledân, zigâl, bonael (litt. banal), gwinêr, onôn (litt. unan), patô. |
↑4 | Exemples de pénultième [ ⁃ ꞌ⁃ ⁃ ] : (Fanch) ledanad (litt. ledanaad), bugale, intañvëz. Exemples de finale [ ⁃ ⁃ ꞌ⁃ ] : (Fanch) kiminêr (litt. kemener), baradôz (litt. baradoz), vachěri (litt. fachiri). Exemples d’initiale [ ꞌ⁃ ⁃ ⁃ ] : (Fanch) gleuskěrëd, devějaou, parrŏuzaou, kalŏnad. |
↑5 | Le nombre d’exemples d’accentuations finales à voyelles courtes semble très restreint dans les pays de la ZIM (basé, du moins, sur notre connaissance des toponymes dans le Pays Fanch), sauf dans des exemples de coaccentuations de trisyllabes qui sont parfois réduites par syncope en disyllabes où l’accentuation finale ne représente pas l’accent intensif, mais l’accent (secondaire ?) mélodique. Dans tels exemples nous employerons l’accent grave pour marquer la préservation d’une qualité vocalique autrement perdu (exx. le trisyllabique an Dannhŏudèll ənˈdɑ͂nhudɛ́l et le syncopé Koed-ar-vaoudèll ˌkwɛdəˈvɔwdɛ́l, et le disyllabique kastell dans Koed-ar-hastell ˌkwɛdəˈhastɛ́l, tous en St-Nicolas-du-Pélem). En pays KLT l’accent intensif final sur une voyelle courte se trouve dans la coalescence de ïou [i·u] en you [ju] dans la Basse-Cornouaille plutôt que iou [iw] comme dans la plupart des pays KLT (ex. Kernyòu kɛꝛˈnju (Plonéour-Lanvern) pour ce qui serait Kerniou kɛꝛˈniw ailleurs en KLT, et qui ne saurait se confondre avec le pluriel commun kernyou ˈkɛꝛnjʊ ‘cornes’). |